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Chapitre 5: Changement social et conflit

 

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Introduction 

 I - L’évolution des rapports sociaux

A/ Le contrôle social

1-La socialisation

2-Régulation sociale et conflits

B/ Les classes sociales

1-Les analyses en termes de conflit

2-Les analyses en termes de stratification

II -  Les conflits sociaux

A/ Les conflits de classe

1-La lutte des classes

2-Les conflits du travail

B/ Les conflits sociaux aujourd’hui

1-L’action collective

2- Les nouveaux mouvements sociaux

Conclusion

Introduction

+ Dans les sociétés démocratiques, les hommes naissent «libres et égaux en droit ». On ne rencontre plus de castes où la destinée des individus est programmée à la naissance (ex : en Inde). En France, les anciens ordres ont disparu depuis la Révolution. Mais si les classes sociales semblent plus ouvertes en théorie, de nombreux indicateurs tendent à prouver qu’elles se reproduisent aussi de génération en génération.

+ On étudiera d’abord comment évoluent les rapports sociaux à travers la socialisation des individus avant d’aborder la thématique des conflits.

I – L’évolution des rapports sociaux

A/ Le contrôle social                                                                    

La socialisation remplit une fonction d’homogénéisation et l’individu doit se conformer aux normes dominantes dans une perspective d’intégration à la société. C’est la socialisation qui permet donc aux individus de trouver leur place dans la société, on peut dire que la réussite de la socialisation assure ainsi la régulation sociale.

1- La socialisation

+ Les rapports sociaux sont des interactions s’inscrivant dans une structure de rôles (ex : rapports de domination ou d’égalité entre classes, entre sexes, etc.). Ces rapports sociaux sont déterminés par la perception du statut que l’on occupe dans la société et c’est la socialisation qui permet aux individus de construire leur identité sociale. Ainsi, l’apprentissage des rôles sociaux leur permet d’intérioriser la culture du groupe. Mais cet apprentissage passe aussi par un mécanisme d’identification qui construit un individu à la fois unique et semblable à d’autres.

L’identité sociale d’un individu comprend donc à la fois une personnalité sociale, c’est-à-dire un ensemble de traits communs à un groupe d’individus partageant les mêmes appartenances et les mêmes statuts, et une personnalité individuelle, c’est-à-dire un ensemble de conduites et de traits propres à l’individu lui-même et présentant une certaine stabilité.

La socialisation réalise donc une double intégration sociale, par assimilation à la culture du groupe, et personnelle, au travers de la construction de l’identité. La socialisation se fait par l’intermédiaire des instances de socialisation dont les principales sont la famille, l’école, le groupe des pairs, les médias.

+ Selon DURKHEIM, La socialisation se ramène à un apprentissage par conditionnement, conduisant à un certain conformisme. On peut dire que la société produit les individus dont elle a besoin, il y a donc un phénomène d’intériorisation des modèles de comportement pour l’individu lui permettant de s’adapter à la société et assurant la reproduction sociale.

Au contraire l’approche interactionniste, dans la tradition Wébérienne, privilégie le rôle de l’individu qui est son propre acteur social, c’est-à-dire qu’il participe activement aux rôles qui lui sont proposés tout en conservant une certaine distance, lui permettant de s’adapter aux éventuels conflits de normes qui pourraient intervenir. L’individu n’est, donc pas un pur récepteur, il construit lui-même sa propre identité à travers des groupes de référence. L’autonomie de l’acteur devient alors un facteur du changement social.

Dans la vision structuraliste de P. BOURDIEU les acteurs ont aussi une certaine marge de liberté par rapport à leurs rôles, mais cette aptitude à jouer un rôle est inégalement répartie. Il définit le concept «d’Habitus  qui est à la fois un ethos, c’est-à-dire un système de valeurs et des pratiques sociales intériorisant ces valeurs apprises dès l’enfance au sein même de la famille. L’habitus dépend alors du capital social, économique et culturel de la famille, et c’est lui qui explique la reproduction sociale (transparent). Donc pour BOURDIEU synthèse des 2 visions.

+ Depuis la seconde moitié du XX° siècle, on constate que de nombreuses mutations scolaires et professionnelles ont provoqué un «conflit de générations » qui a remis en cause la socialisation familiale. La démocratisation de l’enseignement, la mobilité sociale, le travail féminin ont contribué à ce que d’autres instances de socialisation prennent le relais de la famille, notamment l’école et les médias.

L’école en effet véhicule des valeurs qui peuvent être en contradiction avec celles de la famille (ex : les agriculteurs, les immigrés). Cette socialisation bouscule la socialisation familiale en obligeant les enfants à choisir entre deux modèles culturels, car l’école propose le modèle d’une élite. De même les médias proposent aussi un autre modèle : celui du plus grand nombre, c’est-à-dire celui des classes moyennes, ce qui provoque une certaine «moyennisation » de la société. Entre tous ces modèles, chaque individu peut se choisir une trajectoire personnelle.

2- Régulation sociale et conflits

+ La régulation sociale est l’ensemble des moyens dont dispose une société pour sauvegarder la cohésion sociale. Dans les sociétés traditionnelles la cohésion sociale reposait sur le contrôle effectué par le groupe sur chacun. En effet les valeurs et les normes communes étaient fortement intériorisées, cette homogénéité morale dispensait alors la société d’instaurer des organes spécifiques de contrôle social. Dans les sociétés modernes, au contraire, l’individu s’est libéré du contrôle du groupe, ce qui nécessite la mise en place de nouvelles formes de contrôle social, qui passent par les organes spécialisés (police et justice).

Mais pour H. MENDRAS l'ordre social est fondé sur des conflits résolus ou ritualisés. En effet, loin de conduire à l'anarchie, les conflits sociaux sont souvent un mode de régulation sociale: ils permettent de faire naître, de transformer ou de maintenir les règles qui régissent l'activité sociale. C'est pourquoi les conflits débouchent à la fois sur du changement social et sur de la reproduction sociale (ex: Mai 68).

+ Selon DURKHEIM, la division du travail a provoqué l’évolution de la société et le passage d’une solidarité mécanique entre individus semblables, à une solidarité organique entre individus différenciés et complémentaires. Parallèlement, le droit a aussi évolué, il était répressif, sanctionnant fortement les individus qui s’écartaient de la norme commune, mais il est devenu plutôt restitutif, en cherchant à réparer les préjudices commis.

Mais on peut dire que les conflits sociaux ont aussi un rôle de régulation sociale car ils débouchent sur l'adoption de nouvelles règles et de nouvelles lois (ex: les congés payés ou la semaine de 40h obtenus en 1936 ou la retraite à 55 ans obtenue par les routiers après le grand mouvement de paralysation de la France). 

+ Aujourd’hui toutefois, on constate des dysfonctionnements car ni les normes sociales ni les normes juridiques ne suffisent plus dans certains endroits pour assurer la cohésion sociale (ex des banlieues). Le défaut de régulation sociale entraîne alors un phénomène d’anomie, que DURKHEIM définissait comme «un mal de l’infini », une absence de règles morales. Celui-ci traduit donc un manque d’intégration sociale, vecteur de dysfonctionnements (ex : la délinquance)

Face au risque d’anomie encouru par les sociétés modernes, DURKHEIM proposait alors de créer de nouvelles instances de régulation, car il jugeait l’Etat trop éloigné de l’individu, et la famille n’ayant plus la densité morale suffisante pour remplir cette fonction de régulation. La solution au manque d’intégration de la société moderne passet donc, pour lui par le renforcement des groupes intermédiaires, s’intercalant entre l’individu et l’Etat (ex :  les associations sportives).

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B/ Les classes sociales                                                                

Une socialisation réussie permet à chacun de connaître sa place dans la société et d'y tenir son rôle. Ainsi, dès la naissance chaque individu appartient à une classe sociale donnée définie par la position sociale familiale. Il pourra ensuite en changer ou non du fait de sa trajectoire personnelle. Les analyses des classes sociales sont nombreuses et diverses, parmi elles, on peut distinguer des analyses en termes de conflit et des analyses en termes de stratification.

1- Les analyse en termes de conflits

+ On doit la définition des classes sociales à K. MARX : pour lui, il s’agit d’un ensemble d’individus occupant une même place dans les rapports de production et ayant des intérêts communs. C’est donc la position occupée dans les rapports de production qui définit l'appartenance de classe, et c’est la conscience de classe qui produit de la solidarité. Selon Marx il y a un antagonisme fondamental entre les classes dominantes et les classes dominées. Parmi les premières, la bourgeoisie capitaliste est celle qui possède les moyens de production, tandis que le prolétariat qui n’a que sa force de travail à vendre appartient aux secondes. A côté de ces deux classes principales, il en existe d’autres : les cadres et les fonctionnaires qui sont les alliées de la bourgeoisie ; les petits agriculteurs ou commerçants qui, en se paupérisant iront grossir le flot des prolétaires. Le sous-prolétariat ou «lumpen prolétariat » composé des ouvriers agricoles, manœuvres, emplois précaires etc. fait aussi partie des seconds. Si la division en classes sociales est selon Marx, d’abord définie selon un critère économique, il en découle des modes de vie et des cultures différenciées qui sont fonction des revenus et de la profession.

+ Pour P. BOURDIEU, les conflits de classe s’expriment à travers les pratiques sociales et les goûts. C’est une expression particulière de la lutte des classes, car la domination s’effectue par «la distinction ». En effet, il existe une domination symbolique qui s’exprime par le fait que les classes dominées reconnaissent le «bon goût » des classes dominantes et le légitiment en cherchant à l’imiter. C’est ce qui a été montré par J. S. DUESENBERRY dans son schéma diffusionniste d’»imitation/différenciation »(ex : mode, manières etc.).

BOURDIEU divise alors la société selon 2 axes : l’un vertical où sont situées les couches dirigeantes, moyennes et populaires, l’autre horizontal représentant des fractions dans chaque classe plus ou moins dotées en capital économique (richesse matérielle), social (tissu de relations) et culturel (éducation au sens large). Ce qui lui permet d’établir une carte des classes sociales.

2- En terme de stratification

+ Pour M. WEBER, une classe sociale est un ensemble d’individus qui se trouvent dans une même situation. Dans la société, il distingue 3 ordres : économique, social et politique. La stratification sociale résulte alors de la position occupée par les individus dans ces trois ordres et qui ne coïncide pas forcément.

Ainsi, l’ordre économique détermine les classes selon une échelle de revenus, elle-même fonction du rôle occupé dans l’économie. L’ordre social confère plutôt un prestige basé sur le mode de vie, le lieu de vie etc. Les deux hiérarchies ne coïncident pas toujours (les anciennes familles ont un prestige que les nouveaux riches leur envient même si leur situation est meilleure ex : gros commerçants). La hiérarchie sociale est plutôt subjective. Le dernier ordre est l’ordre politique qui s’incarne dans les partis et la situation par rapport à l’Etat (ex : ministre, député). Ici non plus il n’y a pas forcément concordance (ex : ministres communistes ne sont pas de grands bourgeois possédant un important patrimoine).

Max WEBER relativise donc l’idée de la lutte des classes car les antagonismes économiques ne se situent pas forcément entre les classes les plus antagonistes (ex : ce sont les PDG ou les directeurs d’entreprises qui sont attaqués par les conflits du travail et rarement les actionnaires qui sont les véritables propriétaires, les capitalistes).

+ L’analyse libérale de L. WARNER s’oppose encore plus à la vision bipolaire de type marxiste. C’est une vision pyramidale, car pour lui, la société est constituée de strates hiérarchisées et subdivisées. On trouve alors l’Upper class ou classe supérieures constituée des cadres supérieurs de l’Etat, cette classe est elle-même divisée en Upper-upper class constituée par l’aristocratie sociale (Hight WASP à Yankee City) et Lower-upper class considérée comme moins distinguée (professions libérales, professeurs), la Middle class constituée des classes moyennes diplômées et respectables toujours divisée en Upper-middle class (cadres moyens, techniciens) et Lower-middle class (petits commerçants, cols blancs: secrétaires de direction, comptables, etc.) et la Lower class qui regroupe les classes populaires avec la Upper lower-class(vendeurs, caissières, coiffeuses, etc.) et la Lower-lower class (travailleurs à statut précaire, non travailleurs). Pour lui, il s’agit d’une simple position sociale qui n’inclut pas d’idée de conflits (transparent).

+ Enfin, H. MENDRAS propose une vision cosmogonique, donnant une idée d’éclatement et de dynamique. Pour lui, les classes sociales ne sont pas définitivement figées mais évoluent en fonction de l’évolution sociale et des professions. Ainsi, l’apparition et l’extension des classes moyennes ont provoqué des mouvements et ont accru l’écart entre les classes supérieures et les classes populaires. De plus, certains groupes socioprofessionnels ont été valorisés (ex : les cadres), alors que d’autres se paupérisent (ex : les petits commerçants). MENDRAS montre que des constellations se constituent formées de certains groupes qui s’agglutinent, alors que d’autres s’en détachent en fonction de l’évolution sociale (transparent), et il réfute aussi l’idée de lutte des classes. Selon lui, aujourd’hui, la tendance à l’homogénéisation des consommations et des pratiques sociales produit une convergence vers un niveau de vie et un mode de vie moyen. Il emploie alors le terme de «moyennisation » pour illustrer la façon dont les classes moyennes s’imposent aujourd’hui à travers de nombreux éléments tels que l’éducation des enfants (= «enfant roi »), le comportement démographique (peu d’enfants = norme de 2 enfants : un garçon et une fille), le travail (tertiaire), la consommation (confort, hédonisme), etc. Aujourd’hui, selon H. MENDRAS, il y aurait surtout une énorme constellation centrale, constituée par les classes moyennes, encadrée par une élite en haut et en bas des pauvres et des exclus, l’ensemble formant une image de toupie.

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II - les conflits sociaux

Les conflits sont un élément majeur de la régulation sociale car ils peuvent déboucher sur de nouvelles règles lorsqu'une majorité de la population s'exprime dans ce sens. Ces règles peuvent être sociales (ex: façons de vivre comme l'union libre) ou juridiques (ex: la peine de mort abolie en France en 1981). Les conflits sont donc un élément moteur du changement social, mais ce ne sont pas toujours des conflits de classes. 

A/ Les conflits de classes                                                                   

1- La lutte des classes 

+ La lutte des classes est au centre de l’analyse marxiste car c’est elle qui permet aux hommes d’écrire leur histoire (cf. le matérialisme dialectique et le matérialisme historique). Pour MARX, toute l’histoire des sociétés est structurée autour d’un conflit binaire. L’antagonisme se noue dans la façon dont est réalisée la production matérielle et, comme c’est l’économie qui détermine l’ensemble des rapports sociaux, le conflit déborde la sphère du travail. Les conflits vont donc devenir de plus en plus importants au fur et à mesure que les classes s’organisent, et gagner la société dans son ensemble.

+ Il reprend aussi la conception évolutionniste des sociétés et perçoit l’histoire comme une succession d’étapes, chacune caractérisée par son mode de production. Pour lui, le passage d’une étape à l’autre se fait de façon dialectique, c’est-à-dire grâce à la lutte des classes.

Ainsi, les sociétés occidentales auraient connu 3 étapes caractérisées par un type spécifique de rapports sociaux marquant l’opposition entre 2 groupes :

* la société antique basée sur l’esclavage et l’opposition entre les patriciens et les esclaves

* la société féodale basée sur le servage et l’opposition entre les seigneurs et les serfs

* la société capitaliste basée sur le salariat et l’opposition entre la bourgeoisie et le prolétariat (transparent)

Selon lui, c'est la révolution qui a permis chaque fois de changer de société ((ex: la révolution bourgeoise de 1789). La lutte des classes est donc le moteur de l’histoire, selon MARX : en se révoltant, les prolétaires activeront alors la fin du capitalisme, déjà condamné par ses contradictions internes car en substituant le capital au travail les capitalistes se privent des véritables producteurs de la plus-value. Selon MARX "ils scient la branche sur laquelle ils sont assis", pour lui le conflit social est donc déterminant pour l'évolution des sociétés.

2-Les conflits du travail

+ D’après MARX l’accroissement de la lutte des classes devait se traduire par des conflits de plus en plus importants et généraux. Mais, si les conflits de classe étaient patents au XIX° siècle (cf. Germinal et les mouvements des mineurs du Nord),  aujourd’hui, on observe que les conflits du travail ne sont pas vraiment des conflits de classe, même s’il s’agit toujours de conflits sociaux (ex: grèves SNCF ou des infirmières). En effet, la division du travail a favorisé les conflits de type bureaucratique qui sont des conflits d'autorité, car la hiérarchie est très prégnante au sein des grandes organisations et les enjeux se font souvent autour du pouvoir (cf. spécialité ). Il existe aussi des conflits de négociation, lorsque les enjeux portent sur les ressources matérielles ou monétaires. Ainsi les conflits du travail portent souvent sur les salaires, mais aussi sur la préservation des acquis sociaux (ex : retraites, congés, durée du travail, sécurité etc.). Ce type de conflit est devenu très important depuis l’avènement de la société industrielle, il est aussi à l’origine de l’histoire sociale de notre pays car les lois sociales et les conventions collectives sont à la base des «acquis sociaux »( ex: le repos du dimanche en 1906, la retraite à 60 ans en 1981).

+ Les modes d’action des conflits du travail peuvent être plus ou moins violents. En France, la grève, autorisée depuis 1864 est le moyen d’action le plus courant, alors que dans d’autres pays on pratique de simples manifestations de mécontentement (ex : aux EU), ou alors le mécontentement est source d’émeute (ex : les émeutes de la faim de certains PVD). La violence dépend en fait du degré d’institutionnalisation du conflit, et elle décroît lorsque les groupes peuvent s’organiser. C’est ainsi qu’en France la violence des conflits du travail s’est affaiblie depuis l’autorisation des syndicats en 1884. Si au XIX° siècle il s’agissait d’émeutes qui étaient réprimées dans le sang, au XX° siècle les conflits du travail sont encadrés par les syndicats qui utilisent la grève comme moyen légal de revendication. 

+L'institutionnalisation des conflits s'est donc effectuée grâce à l'action des syndicats, mais aujourd'hui ceux-ci sont victimes de leur succès. En effet l'importance des acquis socxiaux parait les avoir vidés de leurs buts. De plus, les syndicats participent davantage à la gestion des entreprises et des administrations (ex: comités d'entreprise, conseils d'administration), ce qui les coupe de leur base et les occupe à des tâches de bureaucratie. On constate alors que l'affaiblissement des syndicats va de pair avec la diminution des mouvements de grève depuis une trentaine d’années (ex: en France on est passé se plus de 6 millions de journées de grève dans les années 60 à environ 500 000 dans les années 90, avec une exception pour 1995 où l'on atteint les 6 millions dans le secteur privé et 2 millions dans le public).

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B/ Les conflits sociaux aujourd’hui                                            

1-L’action collective

+ L’action collective ne se réduit pas aux seuls conflits du travail, elle prend un sens plus large. Il s’agit d’une action concertée d’un ou plusieurs groupes cherchant à atteindre des fins partagées et qui concernent la société en partie ou en totalité (ex : féminisme, refus du nucléaire, du sida, du racisme, etc.).

L’action collective émane de groupes cherchant à faire contre-pouvoir, c’est-à-dire à faire reculer le pouvoir du chef d’entreprise ou de l’Etat. Les contre-pouvoirs (ou lobbies) peuvent avoir un caractère économique et social (ex : syndicats) ou une vocation spécialisée (ex : associations contre le sida ou l’avortement).

+ L’action collective s’inscrit dans la séquence décrite par MARX et ENGELS :

* existence d’un intérêt commun

* prise de conscience de l’intérêt commun

* action collective

Selon eux, à chaque stade de cette séquence l’influence du contexte apparaît déterminante. C’est pourquoi l’action collective peut être plus ou moins massive, selon l’importance de la prise de conscience collective pour le phénomène observé.

+ Les sociologues ont des analyses différentes de l’action collective :

* Pour les sociologues se réclamant du courant fonctionnaliste (L.A. COSER), l’action collective représente un phénomène d’adaptation de la société. En effet elles font évoluer les normes et les valeurs de la société, même si elles sont menées par des minorités (ex : plus grande tolérance aujourd’hui pour les pratiques sexuelles différentes de la norme qui est l’hétérosexualité).

* Pour M. CROZIER et E. FRIEDBERG, l’action collective relève d’un jeu des acteurs autour de règles. En effet les stratégies et les objectifs peuvent varier au cours d’un conflit, car les acteurs disposent de marges de liberté qui leur permettent d’accepter des compromis en adoucissant leurs positions respectives (ex : le gouvernement cède sur un point, les syndicats sur un autre, jusqu’à arriver au compromis).

* Selon M. OLSON c’est l’acteur individuel qui est au centre de l’action collective, fondant celle-ci sur les avantages et les inconvénients à retirer de sa participation à l’action collective. Il met ainsi l’accent sur les fins utilitaristes de l’action collective. Pour lui, l’acteur est tenté par une stratégie de «ticket gratuit » ou de «passager clandestin » (en anglais «free rider »), c’est-à-dire qu’il compte sur les autres pour obtenir des avantages collectifs sans avoir pris lui-même le risque de participer à l’action collective. OLSON montre qu’il y a pourtant un paradoxe : celui que l’action collective existe, même si elle est contraire à la logique utilitaire.

* C. TILLY montre quant à lui l’évolution de l’action collective en France et dans les pays occidentaux. Selon lui, les buts, les formes et les répertoires d’action se sont modifiés avec la modernisation et le développement de l’Etat-nation, passant de buts compétitifs puis défensifs, à des buts offensifs (transparent n°7).

2-Les nouveaux mouvements sociaux

+Malgré l'affaiblissement des syndicats, les conflits sociaux n'ont pas disparu aujourd'hui mais ils se sont diversifiés en quittant la seule sphère du travail. Ils sont aussi plus spontanés et moins organisés, témoignant d'un "ras-le-bol" débordant les syndicats (ex: grèves des routiers, des infirmières ou des lycéens). Ce sont aussi parfois des mouvements qui montrent une opposition déterminée face à l'Etat et à la réglementation étatique (ex: grèves des médecins ou mouvements des chasseurs . Les nouveaux mouvements sociaux peuvent ainsi chercher à faire changer la société ou au contraire à empêcher qu'elle ne change).

+ A la suite des mouvements étudiants des années 60, de nouvelles formes d’actions collectives se sont développées et ont innové tant en matière de thèmes mobilisateurs (ex : pacifisme, féminisme), que de modes d’action. Ces nouveaux mouvements renvoient à des évolutions socio-économiques profondes répondant à des valeurs post-matérialistes tournées vers la satisfaction de besoins intellectuels ou esthétiques (ex : écologie, sauvegarde de la faune sauvage ou des paysages), et à une demande accrue de participation aux décisions politiques (ex : décentralisation, régionalisation).

Ces mouvements défendent des valeurs plus culturelles et se différencient des mouvements antérieurs qui étaient surtout attachés aux progrès matériels, à la défense de la consommation, au travail. 2 thèmes majeurs reviennent souvent : l’harmonie avec la nature et la critique de la modernité. Les nouvelles revendications portent sur des thèmes plus généraux tels que la défense des droits de l’homme et la lutte contre les exclusions (ex : contre le chômage, l’intolérance, la xénophobie) ;

+ Les moyens d’action changent aussi, ce sont des groupes de plus petite taille qui fonctionnent selon des règles décentralisées et de démocratie directe en refusant l’embrigadement syndical (ex : coordinations, associations). Ils cherchent à alerter l’opinion publique pour faire céder les pouvoirs politiques, et à ce titre agissent comme de véritables lobbies (contre-pouvoirs US).

A. TOURAINE pense que ces mouvements sont une tentative de la classe dirigée pour échapper au contrôle de la classe dirigeante. Les lobbies cherchent ainsi à influencer l’histoire dans un sens qui leur soit plus favorable, c’est une lutte pour le contrôle de « l’historicité ». Pour lui, c’est la marque du passage à une société post-industrielle, de la même manière que les mouvements ouvriers avaient, au XIX° siècle, marqué le passage à la société industrielle.

Conclusion

Même si les classes sociales actuelles sont loin de celles décrites par MARX au XIX° siècle, on constate que les conflits sociaux existent toujours et trouvent aujourd’hui de nouveaux motifs de revendications. Les conflits du travail recourent moins aux moyens institutionnels de l’action syndicale et de la grève, mais ils ne s’atténuent pas pour autant (ex : conflits des routiers, des agriculteurs, etc.), et les mouvements pour une meilleure qualité de vie viennent encore les renforcer (ex : conflits lycéens ou pour les retraites).

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Mme SODAIGUI, professeur de Sciences Economiques et Sociales