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Introduction : Croissance et développement

 

PLAN

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Introduction

I – De la croissance au développement

A/ Définitions

1-Les caractéristiques de la croissance

2-Les notions associées à la croissance

3-Les formes de la croissance

B/ Mesure

1-Les agrégats

2-Les facteurs de la croissance

3-La limite des indicateurs

B/ Les inégalités de développement

1-Les limites de la croissance

2-L’analyse du développement

II -  Les transformations économiques et sociales

A/ Changements économiques

1-Les cycles économiques

2-Les mutations structurelles

 B/ Changements sociaux

1-L’influence des valeurs

2-Le rôle de l’Etat

Conclusion


Introduction

+ L’évolution économique se mesure par la croissance : c’est une évolution quantitative, mais elle s’accompagne en même temps d’un développement qualitatif. On parle aujourd’hui d’économies développées (ex : E-U, Japon, Europe) et de pays en voie de développement (ex : Chine, Brésil…) en se référant à la Révolution industrielle qu’ont connue certains pays au XIX°siècle, caractérisée par une importante croissance et un développement irréversible.

+ En effet la croissance des différents pays du monde a longtemps été stationnaire, caractérisée par une faible expansion (transparent) et ce n’est que depuis deux siècles que l’on a constaté de spectaculaires transformations tant sur le plan économique qu’au niveau de la société.

+ Nous étudierons d’abord la façon de mesurer la croissance et le développement puis nous nous intéresserons aux transformations économiques et sociales et aux explications qu’en donnent certains théoriciens.

I- De la croissance au développement

A/ Définitions

+ F. PERROUX décrit la croissance comme « une augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues du produit global exprimé en termes réels ». Il ajoute qu’il s’agit « d’un accroissement des quantités réelles avec modification des structures à long termes ».

Plus simplement on définit la croissance comme une augmentation à long terme du produit intérieur brut (PIB), s’accompagnant de transformations structurelles.

1- Les caractéristiques de la croissance

+ En s’appuyant sur cette définition on peut retenir plusieurs éléments caractérisant la croissance :

* C’est un mouvement soutenu ascendant sur une longue période : on parle d’un trend de croissance (ex : la Révolution industrielle s’étale sur tout le XIX° siècle ou encore la croissance des 30 glorieuses qui va de 1945 à 1975).

* C’est un phénomène irréversible et auto-entretenu : même s’il y a des périodes de moindre croissance, le retour en arrière est impossible car chaque transformation en entraîne une autre (ex : le passage du « Domestic system » au « Factory system »).

* Enfin il y a modification structurelle des différents secteurs (ex : les secteurs d’activité, le mode de vie, les moyens de production, etc.).

+ On peut dire que les composantes de la croissance sont alors :

* Le progrès technique qui est à la source de la croissance

* Les capacités croissantes (ex : les capacités de production, le niveau de vie, etc.) qui sont le résultat de la croissance

* Le développement qui est le corollaire de la croissance.

2- Les notions associées à la croissance

+ La croissance est une notion complexe qu’il ne faut pas confondre avec ses composants. Ainsi :

* L’expansion n’est qu’une phase ascendante du cycle économique (transparent)

* Alors que la croissance est un mouvement ascendant de longue période qui peut être constituée de périodes d’expansion et de périodes de récession (transparent)

* Le progrès technique est quant à lui la source de la croissance, c’est-à-dire son moteur. Il a un caractère multiple car il contient l’idée d’avancée, d’aller de l’avant (ex : la technologie est un grand progrès), mais aussi une idée de propagation, comme des vagues qui se stimulent et s’entraînent mutuellement (ex : l’informatique modifie toutes les façons de travailler antérieures et propage le progrès technique dans d’autres branches d’activité) et enfin une idée d’amélioration (ex : de meilleures conditions de vie, de travail, etc.).

* Enfin le développement est le corollaire de la croissance, c’est-à-dire qu’il l’accompagne. Il comprend toutes les transformations démographiques, politiques, économiques et sociales que la croissance a entraînées (ex : baisse de la fécondité, droit du travail, concentration des entreprises, augmentation des loisirs, etc.). Il a à la fois un aspect quantitatif (ex : hausse de la consommation) et qualitatif (ex : matériels plus performants).

3- Les formes de la croissance

+ On peut distinguer :

* La croissance extensive qui est obtenue par l’augmentation des facteurs, capital et travail, mis en œuvre (ex : la croissance des Etats-Unis aux XVIII° et XIX° siècles s’est faite grâce à l’apport de population immigrées et à la conquête des terres de l’Ouest).

* La croissance intensive est obtenue par une utilisation plus rationnelle et plus efficace des forces productives avec des quantités de facteurs de production inchangées. Elle met donc en œuvre la productivité (ex : la croissance des 30 glorieuses).

* On parle de croissance « molle » lorsque les taux de croissance annuels sont assez faibles (ex : depuis la crise le taux de croissance du PIB tourne autour de 1 à 2% par an en moyenne

* Enfin la croissance zéro désigne un taux de croissance du PIB quasiment nul mais qui n’empêche pas le progrès (ex : la croissance actuelle caractérisée par un faible taux de croissance du PIB et de profonds bouleversements dans les télécommunications).

+On peut citer deux exemples historiques de  croissance:

·        La Révolution industrielle qui a démarré dans la 2° moitié du XVIII° siècle en Angleterre et s'est  propagée en Europe, France et Allemagne, ainsi qu'aux Etats-Unis, en Russie et au Japon aux XIX° et  XX° siècle (transparent). C'est la Révolution agricole, provoquée par des changements dans les techniques (ex: la rotation des cultures qui permet d'accroître les rendements agricoles sans épuiser la terre en évitant la mise en jachère pendant 2 ans) qui est à l'origine de la Révolution industrielle, car la forte demande qui en résulte va stimuler l'innovation pour provoquer l'accroissement de l'offre. Un processus dynamique se met alors en place avec de nombreuses découvertes dans le textile (tissage et filage avec l'emploi de la machine à vapeur). A son tour la métallurgie est stimulée par la forte demande de machines qui s'adresse à elle et de nombreuses innovations ont lieu (ex: acier remplaçant le fer moins résistant) qui ont des retombées sur d'autres secteurs (agriculture, transports, bâtiment, etc.).

·        La croissance des trente glorieuses au milieu du XX° siècle qui est une accélération de la croissance qui avait démarré avec la Révolution industrielle (cf. exercices et dernier chapitre).

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B/ Mesure

+ La croissance se mesure par l’augmentation du PIB, alors que le développement utilise deux indicateurs : le PIB/habitant qui est l’ancien indicateur de mesure du niveau de vie et l’IDH ou indicateur de développement humain qui tend de plus en plus à remplacer le précédent.

+ Entre 2 dates consécutives t0 et t1

le taux de croissance du PIB= (PIB à t1-PIB à t0)*100/PIB à t0

Entre 2 dates éloignées

Le TCAM du PIB= racine énième de ((PIB à tn/ PIB à t0) –1)*100

+ L’IDH est un indicateur de développement tenant compte à la fois de l’espérance de vie de la population, de son niveau d’éducation et du pouvoir d’achat des habitants (PIB réel par habitant).

1- Les agrégats

+ Pour mesurer la croissance on utilise les agrégats de la Comptabilité nationale : le PIB, le PNB, le revenu national.

* Le PIB représente la somme des valeurs ajoutées par les unités de production résidentes. On passe de la VA brute à la VA nette en ajoutant à la première la TVA et les droits de douanes qui lui sont associés.

* Le PNB mesure plus précisément la VA des unités de production nationales. Pour un pays développé PNB et PIB sont équivalents, mais ce n’est pas le cas des PVD dont le PIB est d’autant plus supérieur au PNB que le développement est en retard.

* Le PIB par tête est obtenu en divisant le PIB par le nombre d’habitants du pays. Il mesure le niveau de vie, c’est un indicateur du développement. Le revenu national mesure la répartition des richesses produites entre tous ceux qui ont participé à leur production : travail, capital, Etat, institutions financières.

+ Les agrégats de la comptabilité nationale sont liés entre eux et l’on passe de l’un à l’autre de la manière suivante :

PIB= EVA résidentes + TVA + droits de douane

PNB= PIB + revenus en provenance de l’extérieur -revenus versés à l’extérieur

RN= PNB – amortissements

2- Les facteurs de la croissance

+ Les facteurs de production sont le capital noté (K) et le travail noté (L) :

* Le capital représente les investissements nets définis par la Comptabilité nationale sous le terme de formation brute de capital fixe (FBCF). Ce sont à la fois les actifs physiques (ex : bâtiments, terrains, matériel) et les actifs immatériels (ex : logiciels, brevets d’invention, licences d’exploitation). Les stocks de matière première et de produits finis représentent le capital circulant.

* Le travail représente la main d’œuvre qui est plus ou moins rémunérée en tenant compte de sa qualification. Elle est mesurée en effectifs ou en heures de travail.

+ C’est la productivité qui mesure l’efficacité des facteurs de production. Elle est mesurée par le rapport entre la production et les moyens mis en œuvre pour produire.

La productivité du travail= Production / Travail employé

La productivité du capital= Production / capital utilisé

+ C’est le progrès technique qui permet l’augmentation de la productivité des facteurs par une meilleure utilisation des ressources humaines (ex : le taylorisme) et matérielles (ex : la robotisation).

3- La limite des indicateurs

+ Les indicateurs utilisés pour mesurer la croissance sont souvent critiques :

* Le PIB ne comptabilise pas les activités domestiques (ex : ménage, bricolage, jardinage), ni l’économie souterraine (ex : travail au noir, activités illicites). On parle d’une économie informelle qui montre que le PIB peut être sous-évalué (ex : en Italie, selon certains experts, il faudrait réévaluer le PIB de 25%).

* A contrario, le PIB comptabilise comme production de richesses, des productions génératrices d’effets externes négatifs (ex : la pollution, l’alcoolisme, le tabagisme). Ces productions nécessitent la mise en œuvre d’activités pour les corriger qui coûtent cher à la collectivité (ex : soins, hospitalisation des personnes contaminées). Ces activités sont donc la source d’un gaspillage qui tendent à surévaluer le PIB (ex : aux Etats-Unis les différents procès intentés aux grandes compagnies de tabac).

* Il faut aussi éliminer l’effet de la hausse des prix en déflatant le PIB, c’est-à-dire en le divisant par l’indice des prix de l’année de référence (et en multipliant par 100). On obtient ainsi un PIB en volume ou encore en francs constants.

+ De même, le PIB/habitant n’est pas toujours très fiable car il faut tenir compte de l’importance de la population du pays considéré (ex : la Chine est plus développée que son PIB/hab ne le laisse supposer, le Koweït est le pays qui a le PIB/hab le plus élevé du monde, mais s’il est le plus riche, il est moins développé que les pays occidentaux car la fortune y est très mal répartie).

* Enfin, le PIB/hab doit être mesuré en tenant compte de la PPA entre les différents pays, c’est-à-dire qu’il doit être corrigé et non donné brut. La PPA est une méthode de conversion monétaire qui élimine les différences de prix entre les pays. Ainsi, une somme d’argent donnée convertie en monnaies nationales au moyen de ces taux va permettre d’acheter le même panier de biens dans tous les pays (alors que 1$ ne permet pas d’acheter la même quantité dans un PVD et dans un PDEM=> l’importance de cette correction).

Aujourd’hui, sous l’impulsion du PNUD on tend à utiliser de plus en plus l’IDH en remplacement du PIB/hab pour mesurer le développement car cet indicateur est plus complet en tenant compte de la longévité des habitants et de leur éducation et pas seulement de leur niveau de vie. Mais pour F. PERROUX il faudrait aussi prendre en considération les idées et les institution, les droits et les libertés se rapportant à la dignité humaine (ex : présence d’un droit du travail, protection des enfants, libertés individuelles, démocratie, etc.).

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C/ les inégalités de développement

+ La croissance s’accompagne de transformations sectorielles telles que l’amélioration du niveau de vie grâce à un pouvoir d’achat plus élevé, car la hausse de la productivité permet la baisse des prix relatifs. En même temps se produisent des modifications dans le comportement, les habitudes de consommation, le mode de vie. Ainsi la maîtrise de la fécondité permet de prendre un meilleur soin des enfants en nombre moins important, la pénibilité et le temps de travail diminuent, tandis que les loisirs augmente et la population bénéficie d’un meilleur accès à la culture et à l’information, etc.

+ Toutefois un grand nombre de pays reste toujours à l’écart du développement.

1- Les limites de la croissance

+ La Banque mondiale regroupe les pays en trois catégories : les pays à revenu par habitant élevé (>15000 $) qui sont les PDEM (ex : Europe, E-U, Japon), les pays à revenu intermédiaire (PIB/hab compris entre 5000$ et 15000$) qui correspondent aux PVD en général (ex : Maroc, Algérie, Inde), y compris les NPI (ex : la Corée du Sud, le Brésil), et les pays à faible revenu (PIB/hab inférieur à 5000$) qui sont aussi appelés les PMA (ex : Ouganda, Nicaragua, Haïti).

+ Au delà de cet indice, un certain nombre de caractères sont communs aux PVD :

* Au niveau économique : l’activité économique est dominée par l’agriculture, il y a peu d’investissements et de progrès technique, les FMN sont prédominantes dans l’industrie, les importations sont supérieures aux exportations, le chômage et l’inflation sont élevés, la monnaie n’est pas une devise

* Au niveau social : la démographie n’est pas maîtrisée et le régime est de haut niveau (natalité, fécondité, mortalité et mortalité infantile sont fortes), le taux d’alphabétisation est faible, il y a aussi un faible accès à l’hygiène et à la santé, il y a peu de d’infrastructures (ex : écoles, hôpitaux, routes) et peu de consommation.

* Au niveau politique et législatif : il y a peu de lois défendant l’individu, les minorités, les personnes faibles (ex : droit à l’information, défense des femmes, travail des enfants), le régime politique n’est pas ou peu démocratique.

2- L’analyse du développement

+Les théories sur la croissance sont nombreuses et divergentes:

·        Pour les classiques (A. SMITH), c'est la division du travail qui permet d'augmenter l'efficacité des facteurs de production, et qui est donc la source de l'opulence qui résulte de l'augmentation de la production. Cependant pour les classiques il n'y a pas de dynamique de la croissance, ils considèrent que l'activité économique est stationnaire et raisonnent sur courte période.

·        Pour J.A. SCHUMPETER, c'est le progrès technique qui est le ressort essentiel de la croissance sur longue période (voir chapitre 2). Pour lieu l'innovation est le moteur de la croissance, mais c'est aussi une source d'instabilité car elle est facteur de crises lorsqu'il n'y a pas assez d'innovations (voir EDS). SCHUMPETER pense donc qu'il y a une dynamique économique sur le long terme avec des cycles économiques alternant les phases d'expansion et de récession.

·        Les nouvelles théories de la croissance de la NEC (P. ROMER, R. LUCAS, R. BARRO) renouvellent l'analyse libérale en rendant compte d'une croissance endogène favorisée par les facteurs de production (connaissances, éducation pour le facteur travail, infrastructures pour le facteur capital)

+ La théorie libérale de ROSTOW a longtemps dominé l’analyse du sous-développement, elle est vivement remise en question aujourd’hui par un grand nombre d’autres analyses.

+ Selon W.W. ROSTOW la croissance passerait obligatoirement par 5 phases avant d’atteindre le développement :

* La société traditionnelle caractérisée par une production destinée à l’autoconsommation, de faibles rendements, un régime démographique de haut niveau lié aux aléas climatiques, une société statique très hiérarchisé ou le pouvoir est lié à la terre et à la religion, une faible connaissance scientifique, la crainte de l’extérieur et le rejet de la nouveauté.

* Les conditions préalables au développement sont une nouvelle étape où l’agriculture commence à dégager des surplus, l’espace économique s’élargit grâce au négoce, l’esprit d’entreprise apparaît et avec lui la recherche du profit, l’Etat national devient fort et centralisé, de nouvelles classes sociales montent et le champ des connaissances s’élargit.

* Le décollage ou Take off se fait lorsque la production industrielle à son tour dégage des surplus permettant son autofinancement, les blocages religieux disparaissent et il y a de grandes découvertes technique, le pouvoir est aux mains de la bourgeoisie industrielle et de nouveaux rapports sociaux s’établissent tournant autour du salariat.

* La marche vers la maturité est marquée par l’apparition de nouvelles industries motrices, l’exode rural et l’urbanisation, l’idéologie de la modernité et le développement de la démocratie.

* Enfin l’ère de la consommation de masse s’établit avec le développement des services, la tertiarisation de l’économie, la montée de l’Etat-providence et la marginalisation de la pauvreté, la recherche de la sécurité, le culte de la consommation et des loisirs.

Pour ROSTOW développement économique et changement social sont étroitement imbriqués et en interaction mutuelle. Mais cette analyse, si elle décrit bien ce qui s’est passé dans le développement des pays occidentaux n’est pas un modèle que suivent aveuglément les PVD.

+ Ainsi, pour F. PERROUX, J.M. ALBERTINI et d’autres auteurs, loin d’être simplement en «retard », certains PVD souffrent d’un « blocage » qui empêchent un développement harmonieux.

Pour certains pays il peut s’agir de rapports de domination hérités de la période coloniale. Dans ce cas l’industrialisation ne peut se faire car les industries nationales ne peuvent lutter à égalité avec les puissantes firmes multinationales implantées depuis longtemps (ex : les industries extractives de matières premières telles que le cuivre, le pétrole etc.).

Dans d’autres pays ce sont les élites locales qui font un choix délibérés d’exportation agricoles au détriment des cultures vivrières (ex : l’exportation du café, du cacao).

Enfin, on constate que le développement est aujourd’hui souvent anarchique avec une urbanisation accélérée et un fort exode rural intérieur tandis que l’industrie n’est pas assez développée pour absorber ces surplus de main d’œuvre et que l’agriculture reste traditionnelle.

La thèse de ROSTOW apparaît ainsi bien optimiste et coupée de la réalité actuelle.

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II- Les transformations économiques et sociales

A/ Les changements économiques

+ La croissance est un trend c’est-à-dire une tendance à la hausse sur le long terme. Elle ne s’est pas faite sans heurts, on constate au contraire que le XIX° siècle est caractérisé par une succession de cycles économiques.

1- Les cycles économiques

+ SCHUMPETER a montré la coexistence de plusieurs cycles :

* Le cycle JUGLAR qui est un cycle majeur caractéristique du capitalisme, d’une périodicité décennale. On en compte une dizaine entre 1816 et 1913. C. JUGLAR a montré qu’au cours de la phase d’expansion tous les indicateurs (investissements, production, profits, prix, taux d’intérêt, revenus, salaires) étaient à la hausse. Après cette phase de prospérité, le mouvement s’inverse : la surproduction entraîne l’effondrement des prix , les banques réduisent leurs crédits, les cours de la bourse sont en chute et de nombreuses faillites ont lieu. Si l’inflation caractérise la phase d’expansion, la récession est quant à elle marquée par le chômage.

* Le cycle KITCHIN  est un cycle mineur qui n’affecte que les stocks, on parle « d’ inventory cycle ». Ce sont des mouvements de prix et de taux d’intérêt sans véritable crise.

* Le cycle KONDRATIEFF est un cycle long qui s’étale sur une cinquantaine d’années. Il est lié aux innovations et à l’investissement. Il se découpe en 2 phases : la phase A qui est un mouvement ascendant dû à l’installation et au développement de nombreuses innovations. Les investissements sont importants et donnent lieu à des opportunités de profit nombreuses. Cette phase d’une vingtaine d’années tend à la fin à raréfier les capitaux disponibles qui deviennent chers empêchant de nouveaux investissements de se produire. La phase B lui succède alors d’une durée aussi longue. C’est une période de récession et de renouvellement des structures : on cherche à rationaliser la production pour dégager des profits plus importants. La recherche de procédés techniques visant à comprimer les coûts débouche sur de nouvelles innovations qui, en s’accumulant créent les conditions du départ d’un nouveau cycle.

+ J. A. SCHUMPETER a montré comment étaient liés entre eux les différents cycles (transparent), en insistant surtout sur les cycles longs. Pour lui, les cycles KONDRATIEFF sont liés au activités motrices qui apparaissent par « grappes » successives (ex : la RI s’est faite sous l’impulsion du textile et de la sidérurgie qui ont entraîné des innovations dans de nombreux secteurs de l’agriculture et de l’industrie. Idem pour le chemin de fer stimulant l’urbanisation et le bâtiment, l’électricité et la chimie, etc.). Les cycles KONDRATIEFF sont alors les « ondes majeures du capitalisme », sur lesquels s’appuient les cycles JUGLAR et KITCHIN.

2- Les mutations structurelles

+ La croissance s’accompagne de transformations économiques durables telles que l’évolution des secteurs d’activité. Ainsi, avec la RI, l’agriculture régresse au profit du secteur industriel qui devient bientôt prédominant. Les industries tendent à se concentrer dans des bassins industriels (ex : le nord et l’est pour la France). La croissance des 30 glorieuses, quant à elle a montré une tertiarisation de l’économie où les services deviennent le secteur clé.

La concentration des entreprises est une autre caractéristique de la croissance : les grandes entreprises apparaissent avec la RI, puis ce sont les firmes qui s’internationalisent avec la mondialisation des échanges. Les entreprises commerciales n’échappent pas à ce mouvement : grands magasins au XIX° siècle (ex : Samaritaine, Bon marché, galeries Lafayette…), super et hypermarchés au XX° (ex : carrefour cf. la poursuite actuelle de ce mouvement de concentration.

Les habitudes de consommation se modifient alors : on passe de l’autoconsommation à la consommation marchande de produits manufacturés (RI), de la consommation de biens à celle de services (30 glorieuses), tandis que la croissance « molle » actuelle voit se développer les activités de loisir (ex :tourisme, activités sportives).

Car les modes de vie ont changé également : le niveau de vie s’est considérablement élevé et l’on est passé d’une économie de pénurie à une économie marquée par la consommation de masse.

+ En même temps que la production, la population active a changé de secteur : le tertiaire est aujourd’hui le secteur employant la forte proportion d’individus. Mais le salariat s’est aussi développé, tandis que les professions indépendantes ont fortement décliné (ex : disparition des petites épiceries de quartier, drogueries, merceries, etc.). Les catégories socioprofessionnelles en expansion sont aujourd’hui liées au développement de l’Etat-providence (ex : professions de la santé).

Avec l’amélioration du niveau de vie, la démographie a aussi évolué. La transition démographique(transparent) suit le développement : dans un premier temps la mortalité diminue alors que la fécondité et la natalité restent élevées. L’accroissement naturel est alors important et va aider l’industrialisation en lui fournissant de la main d’œuvre. Mais dans un deuxième temps la baisse de la natalité permet de rééquilibrer l’excédent naturel. D’un équilibre de haut niveau, caractéristique du régime démographique traditionnel, on passe alors à un équilibre de bas niveau caractérisant le régime démographique moderne.

Enfin, les nouveaux modes de vie changent également les mentalités : le salariat, l’urbanisation ne permettent plus d’élever un nombre d’enfants élevé. Avoir moins d’enfants permet alors de leur donner davantage en termes d’attention, de soins, d’éducation.

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B/ Les changements sociaux

+ Les facteurs de la croissance ne sont pas tous économiques, MARX montrait en son temps comment les « infrastructures » déterminaient les « superstructures » : la société et l’Etat en particulier sont responsables de l’évolution économique et sociale.

1- L’influence des valeurs

+ Deux auteurs féconds ont montré comment les valeurs pouvaient influencer l’économie et imposer un système plutôt qu’un autre.

+ Max WEBER a montré comment l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme avaient été en «congruence » au moment de la RI pour imposer un nouveau système économique. Ce sont la valorisation du travail et l’ascétisme des puritains qui ont imposé un comportement conforme au capitalisme. L’ardeur au travail, le sens du devoir et la conscience professionnelle, ainsi que l’épargne ont servi à l’accumulation du capital et se sont imposés comme le modèle occidental de rationalité, s’opposant et parfois remplaçant le modèle en vigueur (ex : en France le modèle de la noblesse basé sur l’honneur et la dépense sans compter pour tenir son rang). Sous l’effet de ces valeurs puritaines, l’usure n’a plus été répréhensible et l’enrichissement personnel est devenu le signe de la réussite et la preuve du choix de Dieu.

+ Pour K. MARX, l’idéologie dominante d’une société est celle de la classe dominante. Ainsi, ce sont les idées et les valeurs de la bourgeoisie qui se sont imposées dans le système capitaliste. MARX montre comment évoluent les économies et les sociétés : ce sont les infrastructures (ex : les classes sociales) qui déterminent les superstructures (ex : les lois, les institutions). Pour lui, la lutte des classes est le moteur de l’histoire : c’est le matérialisme historique, c’est-à-dire que c’est la lutte des classes qui permet le changement. Son analyse montre comment la Révolution Française et la Révolution industrielle ont été des révolutions bourgeoises, c’est-à-dire assurant le triomphe des valeurs bourgeoises.

+ Mais aujourd’hui c’est le capitalisme qui a imposé des valeurs comme l’intérêt privé et la recherche du profit. Les principes libéraux sont la base même de ce système économique : liberté d’entreprendre, de commercer, de travailler. La doctrine libérale a laissé au marché le rôle d’assurer la régulation de l’économie par le « laisser-faire » et la « main invisible ». Mais en fait, c’est la société toute entière qui est soumise à la loi du marché, de l’offre et de la demande : une compétition généralisée vouée au « culte de la performance », où les gagnants sont valorisés et deviennent eux-mêmes une valeur marchande (ex des sportifs). Les rapports sociaux sont désormais mus par les lois de l’échange et malheur aux perdants qui se trouvent alors exclus du système. (ex : chômeurs, SDF).

2- Le rôle de l’Etat

+ Selon Max WEBER il existe 3 formes de légitimité du pouvoir :

* la légitimité traditionnelle qui provient de l’autorité des coutumes

* la légitimité charismatique qui est fondée sur le dévouement à un homme

* enfin la légitimité légale rationnelle qui est fondée sur l’adhésion à un statut légal et aux règles qu’il établit

L’autorité de l’Etat moderne est fondée sur ce dernier type de légitimité. En effet l’évolution sociale a bousculé les coutumes, tandis que la démocratie a remis en cause la légitimité charismatique du chef et le pouvoir personnel. L’Etat est ses représentants ont au contraire une légitimité légale rationnelle car fondée sur la loi et le droit. En effet, c’est le vote électoral qui désigne les autorités dans un Etat démocratique.

+ La théorie de ROSTOW (cf. ante) insiste sur la nécessité d’un Etat fort et centralisé dans les conditions préalables au développement. Des exemples comme l’Allemagne au moment du ZOLLVEREIN et le Japon de l’ère du MEIJI viennent appuyer cette thèse. Mais on constate que la démocratie suit le développement (ex : en Europe avec la RI). En même temps l’Etat intervient de plus en plus malgré l’adoption des idées libérales. En effet, selon A. SMITH, il faut laisser faire « la main invisible du marché » pour réguler l’activité économique. Néanmoins, on remarque la montée inexorable des actions de l’Etat et des dépenses publiques. Ainsi dans l’ensemble des PDEM au moment de la RI l’Etat a favorisé l’industrialisation en donnant des terres (ex : aux E-U le HOMESTEAD ACT), en construisant des infrastructures (ex : la construction du chemin de fer en France), en organisant la croissance de la main d’œuvre (ex : la politique d’immigration aux E-U et en France), et sa formation (ex : stages organisés au Japon sur les nouvelles techniques occidentales, création des grandes écoles d’ingénieurs en France), en mettant en place un système bancaire souple et adapté aux besoins de l’industrie (ex : les institutions de crédit au R-U et en France comme le Crédit mutuel),

+ Pourtant les idées libérales réussissent à s’imposer aussi à l’Etat qui garantit le bon fonctionnement du marché en interdisant les ententes (ex : le SHERMAN ANTITRUST ACT au E-U), en libéralisant le commerce (ex : les CORN LAWS au R-U), en favorisant l’exode rural (ex : les lois sur les « enclosures » au R-U) et par là même les industries (ex : la loi LE CHAPELIER en France). Si l’Etat prend en charge et développe certaines industries (ex : la sidérurgie au Japon), c’est pour les rendre au marché lorsqu’elles sont devenues rentables. Ainsi l’intervention de l’Etat n’est pas forcément contraire aux idées libérales (ex : en Allemagne et au Japon on prône un protectionnisme « éducateur » pour permettre le développement des seules « industries naissantes »).

+ Cependant au cours du XX° siècle, l’Etat va aussi devenir un Etat-providence qui se chargera d’aider entreprises et ménages en difficulté. Le rôle de l’Etat prend alors plus d’importance en régulant l’économie pour pallier les défaillances du marché (ex : subventions diverses aux agriculteurs, aux industries « vieillissantes » comme la sidérurgie), et en essayant de réduire les inégalités sociales (ex : la redistribution des allocations familiales, des pensions de retraite, l’indemnisation du chômage). La politique économique et les administrations prennent alors le pas sur l’initiative privée (ex : la politique sociale de lutte contre le chômage).

Conclusion

+ L’étude du développement et du changement social est donc au cœur du programme de cette année, tout entier axé sur les mécanismes de la croissance, ses causes et ses conséquences. C’est ce que nous allons étudier en 8 chapitres dont il ne faudra pas oublier l’interdépendance (les sujets du Bac seront en effet transversaux).

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Mme SODAIGUI, professeur de Sciences Economiques et Sociales