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Chapitre 4: Changements et solidarités

 

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Introduction  

                                                   (Cliquez sur un titre pour vous y reporter)

I -  Individus et Société

A/ Les effets sociaux de l’économie de marché

1-L’institutionnalisation du marché

2-La division du travail

3-L’affaiblissement des liens sociaux

B/ Le nouvel ordre social

1-Rationalisation et individualisme

2-Intégration et exclusion

 II - Les changements sociaux

A/ Les évolutions culturelles

1-Les transformations de la famille

2-Le poids des religions

3-Le recul des idéologies

 B/Les nouvelles valeurs

1-L’uniformisation des cultures

2-Les nouveaux styles de vie

Conclusion

Introduction

+ La RI n’a pas provoqué que des changements économiques dans les pays où elle s’est produite ; elle a aussi bousculé les sociétés traditionnelles en les obligeant à inventer de nouvelles valeurs et de nouveaux liens sociaux.

+ Après avoir étudié les effets des transformations économiques sur les individus et sur la société, nous chercherons quelles sont aujourd’hui les nouvelles valeurs des sociétés modernes.

I - Individus et Société

A/ Les effets sociaux de l’économie de marché                          

+ Selon K. POLANYI, une économie de marché ne peut exister que dans une société de marché, car elle a besoin pour fonctionner, de subordonner les hommes aux lois du marché.

1- L’institutionnalisation du marché

+ Le marché n’est pas un ordre naturel, il a été institutionnalisé, c’est-à-dire qu’il a fallu établir des règles organisant son fonctionnement et lui permettant de se maintenir. Il a été mis en place insensiblement grâce à un ensemble de lois et de réglementations (ex : en France la loi LE CHAPELIER qui a libéré la MO des pesanteurs corporatistes, rendant ainsi sa liberté au marché du travail et instituant la libre concurrence ; au RU la suppression des Corn Laws qui a établi la liberté du commerce et le libre échange etc. ).

+ Selon A. SMITH, il faut en effet construire le marché et cela fait partie des devoirs du Prince que de veiller à ce qu’il fonctionne parfaitement. Les fonctions régaliennes protègent ainsi l’individu, sa propriété, sa liberté, la libre concurrence etc. ex : aux EU les lois antitrust du SHERMAN Act interdisent les monopoles et protègent ainsi la libre concurrence du marché. Mais pour Adam SMITH le marché est un ordre naturel car c'est l’intérêt et l’égoïsme qui guident les individus, ce qui permet d’arriver spontanément à un équilibre grâce à « la main invisible du marché ». Issu de l’application des idées libérales dans les pays européens dès le XVII° siècle, le marché est ainsi devenu le garant de la régulation économique. Peu à peu ce phénomène s’est répandu dans le reste du monde, et la mondialisation a achevé d’imposer cette idée.

2- La division du travail

+ A. SMITH a mis en évidence les effets économiques de la division du travail en insistant surtout sur les points positifs : efficacité du travail, augmentation des échanges, opulence. Il juge secondaires les effets négatifs qui ont été montrés par K. MARX : abrutissement et aliénation des travailleurs, dépendance vis-à-vis des machines (cf. cours de spécialité).

+ E. DURKHEIM va s’opposer aux idées d’A. SMITH qui  limite son étude aux effets économiques et va s’attacher aux effets de la division du travail sur la société. Selon lui, la division du travail tend à complexifier la structure sociale, elle n’existe pas seulement dans le domaine de la production mais concerne aussi et surtout la société (ex: la division sexuelle du travail). 

Selon DURKHEIM, la division du travail est avant tout sociale, c'est "la condition la plus essentielle de la vie moderne". En effet, elle apparaît et se développe avec l'accroissement du volume, c'est-à-dire du nombre d'individus appartenant à une même communauté. Dans le même temps la densité matérielle et morale, c'est-à-dire le nombre d'échanges entre individus s'accroît. La lutte pour la vie devient alors, selon lui, de plus en plus dure et oblige les individus qui vivent ensemble à se différencier. La différenciation sociale est donc selon DURKHEIM, une solution pacifique au problème de la lutte pour la vie.

Les anciennes sociétés étaient simples, composées d’un petit nombre d’individus qui se connaissaient, étaient plus ou moins parents et alliés. Pour DURKHEIM c’étaient des sociétés caractérisées par une solidarité mécanique entre individus semblables. Sous l’effet de la pression sociale il y avait une conformité au groupe qui s’effectuait par identification et par intériorisation des normes sociales. Au contraire, dans les sociétés modernes, la contrainte sociale est plus faible car les villes sont plus complexes et caractérisées par l’individualisme et l’anonymat. Les sociétés modernes y ont donc gagné en autonomie et la conformité aux normes s’y effectue davantage par complaisance ou par peur du gendarme. Mais DURKHEIM pense qu’une nouvelle solidarité apparaît dans les sociétés complexes, la solidarité organique issue de la division du travail, car les individus deviennent complémentaires et ont besoin les uns des autres.

3- L’affaiblissement des liens sociaux

+ F. TÖNNIES distingue quant à lui la communauté (GEMEINSCHAFT) de la société (GESELLSCHAFT). La communauté est une forme de relation sociale caractérisée par la proximité affective, sociale et spatiale des individus (ex : famille, communauté religieuse). Le sentiment d’appartenance y transcende celui de différence et l’intérêt individuel s’efface devant l’intérêt collectif. La société en est l’antithèse : dans la société les relations entre les personnes se fondent sur des intérêts personnels, le calcul y est  la base des échanges sociaux et l’individualisme y règne en maître. 

+ On peut dire que le marché s’est aujourd’hui généralisé aux rapports sociaux où toute action est calculée en termes de coûts et d'avantages. Il s'est étendu  jusqu’aux activités sociales les plus diverses qui étaient auparavant soumises à des principes moraux. Ainsi, un certain nombre de besoins sont désormais «marchandisés », c’est-à-dire que l’on définit leur valeur sur le marché en fonction de leur offre et de leur demande (ex : la garde des enfants, la prise en charge des personnes âgées qui étaient autrefois les fonctions de solidarité et d’entraide de la famille sont confiées à des entreprises marchandes). Le corps humain devient lui-même une marchandise qui se vend sur le marché dans certains pays (ex : la vente d’organes en Amérique du N et du S interdite en France, la vente d'enfants sur internet). On peut dire que désormais tout s'achète et tout se vend (cf. film « proposition indécente »)

+ Les sentiments et la morale tendent donc à s’effacer devant l’extension du marché. Ainsi l’individualisme l’emporte sur la solidarité. En effet les relations sociales instituées par le marché sont neutres et les droits et les devoirs de chacun sont généralement régis par des contrats. En cas de manquement, on peut alors rompre le contrat (ex : le divorce constate aujourd’hui une rupture du contrat lorsque le sentiment qui avait fondé le mariage n’existe plus).

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B/ Le nouvel ordre social                                                         

+ Le développement du marché aboutit à la création d’un nouvel ordre social caractérisé par la rationalité.

1- Rationalisation et individualisme

+ Par soucis d’efficacité, le marché impose une rationalisation des activités économiques. La division du travail, le Taylorisme et le Fordisme sont des exemples de cette efficacité productive. A son tour la société devient soumise à cette loi.

+ Selon WEBER 3 critères définissent la rationalité :

* d’abord une idée de calcul et d’efficacité (gestion et anticipation)

* puis une idée d’autonomisation et de spécialisation des tâches (division du travail)

* enfin l’universalisation et la formalisation des rapports sociaux (valable pour tous)

Pour M. WEBER la bureaucratie est un modèle d’organisation rationnelle et efficace. En effet il y existe des fonctions clairement définies, organisées de façon hiérarchique ce qui créé des liens de subordination directs, il y a donc continuité entre les fonctions, les droits et les devoirs de chacun sont délimités par des règles et enfin l’accès aux différents postes se fait selon des critères de compétence. Ce modèle s’est développé dans les entreprises et les administrations d’une certaine taille (ex : les FMN, la Poste, un lycée etc.).

Il représente le modèle par excellence des sociétés modernes et s’est introduit dans toutes les sphères de l’activité sociale (ex : dans un orchestre philharmonique les instruments sont clairement séparés, chacun y joue sa propre partition sous la conduite du chef d’orchestre, les musiciens ont des compétences et des spécialisations différentes, ils interviennent à leur tour etc. idem dans un syndicat ou un parti politique et même dans une manifestation…).

+ Des thèses récentes ont montré que la rationalité s’appliquait à de nombreux domaines sociaux :

* selon R. BOUDON, école de l’individualisme méthodologique, le choix de faire des études longues ou courtes procède d’un calcul coûts/avantages

* pour G. TULLOCK et J. BUCHANAN, école du Public choice, la démocratie est un marché où chaque citoyen exprime son choix par son vote. Sur le marché politique, les candidats ont un objectif qui est leur élection et cherchent à maximiser le nombre de leurs électeurs en leur faisant des promesses diverses ;

* enfin pour G. BECKER les comportements humains obéissent aussi à la rationalité (ex : le mariage et le divorce, le choix d’avoir des enfants ou pas, les activités criminelles sont l’objet d’un calcul rationnel coût/avantage cf. le dilemme du prisonnier).

+Le culte de l’individu est donc une conséquence de l’affaiblissement des liens sociaux dû aux nécessités économiques de mobilité professionnelle et géographique. Dans les villes, l’individu est coupé de ses racines spatiales et familiales, les relations de sociabilité traditionnelles n’existent plus et l’on observe un repliement de l’individu sur lui-même. Aux groupes soudés d’autrefois succèdent alors «les foules solitaires » guidées par leur intérêt personnel.

2- Intégration et exclusion

+ On définit l’intégration sociale comme un état social dont les parties sont fortement reliées les unes aux autres ou encore comme le processus aboutissant à ce système. L’intégration sociale est donc le fait que toute société exige de ses membres le respect des normes et des valeurs qui assurent une certaine conformité par rapport au modèle de comportement dominant. Ainsi, en reprenant la définition de P. BESNARD, on peut dire qu'un groupe social est intégré lorsque ses membres

possèdent une conscience commune, partagent les mêmes croyances et pratiques

sont en interaction les uns avec les autres

se sentent voués à des buts communs

+ Alors que la famille était l’institution intégratrice par excellence des sociétés traditionnelles, dans les sociétés industrielles l’intégration passe essentiellement par le travail. Les salariés ont le sentiment d’appartenir à un collectif source d’identification qui leur donne un statut social. Ainsi l’appartenance syndicale est fortement intégratrice, notamment des minorités (ex des immigrés). L’activité professionnelle a permis aux femmes de s’intégrer à la société d’une façon différente, à l’extérieur de la famille. L’école et les groupes intermédiaires (ex : syndicats, partis politiques, associations sportives ou de loisir) sont d’autres institutions importantes, lieux d’intégration et de citoyenneté pour nos sociétés. Selon DURKHEIM les groupes intermédiaires ont un rôle fortement intégrateur permettant aux individus de partager des valeurs communes.

+ Néanmoins, dans les sociétés modernes, le lien social est plus fragile que dans les sociétés traditionnelles. La rupture du lien social produit alors de l’exclusion.

L’exclusion est un phénomène universel et toutes les sociétés produisent de l’exclusion (ex : les hors castes ou intouchables en Inde, les Burakumins au Japon etc.). Mais dans les sociétés modernes, c’est l’évolution des techniques qui a modifié les formes du contrôle social en libérant l’individu du contrôle direct du groupe, ce qui produit alors l’exclusion. Selon la dimension dominante du lien social on aura des formes différentes d’exclusion. Ainsi l’étranger subit une exclusion politique (non-citoyen), tandis que le pauvre subit une exclusion marchande (non-consommateur). Dans les sociétés modernes l’intégration sociale est surtout assurée par le travail qui fournit un statut social, le chômage représente alors une nouvelle forme d’exclusion à la fois économique (le chômeur «ne gagne pas sa vie ») et sociale («il n’est rien » car il n'a aucun statut). On constate que certains individus accumulent les exclusions, par exemple un étranger au chômage (non-citoyen et pas de statut) ou un chômeur de longue durée qui devient un nouveau pauvre (pas de statut, pas d’argent pour consommer) ; mais alors que le premier peut souvent se replier sur la solidarité familiale plus importante dans les communautés étrangères, le second souvent coupé de sa famille devient SDF dans les grandes villes.

+ Les sociologues interprètent différemment l’exclusion :

* Pour DURKHEIM, l’exclusion résulte de l’anomie qui traduit l’affaiblissement des normes sociales : suicide, alcoolisme, vagabondage sont autant d’expressions de la rupture du lien social. Les groupes d’exclus apparaissent alors comme menaçants car ils échappent à tout contrôle social, ce qui contribue à accroître leur visibilité sociale (ex : les SDF chassés des centre villes l’été).

* Pour R. K. MERTON, l’exclusion est aussi le résultat de dysfonctionnements sociaux : face à la contradiction entre les valeurs de réussite de la société et les ressources dont disposent les individus pour y parvenir, certains optent pour des conduites déviantes ou marginales car ils ne disposent pas des moyens licites pour atteindre les buts valorisés par la société. Face à cette contradiction les individus peuvent adopter 5 modes d’adaptation : conformisme, innovation, ritualisme, retrait, rébellion (ex: les jeunes des banlieues qui n'ont pas l'argent valorisé par la société capitaliste dans laquelle ils sont immergés et cherchent à l'obtenir par différents moyens de substitution).

+ Dans les pays riches, la pauvreté est une exclusion ancienne mais qui retrouve une nouvelle vigueur aujourd’hui. Les anciens pauvres, appelés «Quart monde», étaient déjà des exclus de la croissance : sous prolétaires, immigrés, personnes âgées, handicapés sociaux qui ne participaient pas au modèle de réussite ambiant du fait de leurs faibles ressources. La nouvelle pauvreté est issue de la crise et du chômage de longue durée qui n’est pas indemnisé. Elle est plus visible car elle conduit davantage à l’exclusion du fait du relâchement des liens sociaux. Elle entraîne un phénomène de disqualification sociale et tend à se reproduire comme l’a montré L. STOLERU dans son cycle de pauvreté (transparent).

+ Mais l’exclusion est aussi la conséquence de la crise que traversent aujourd’hui les grandes institutions intégratrices (ex : la famille ou la religion).

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II - les changements sociaux

Comme la famille, la religion et l’idéologie s ‘effacent sous l’effet de la montée de nouvelles valeurs.

A/ Les évolutions culturelles                                                     

1- Les transformations de la famille

+ Les valeurs traditionnelles véhiculées par la famille ne sont plus autant prisées que par le passé. Ainsi la nuptialité et la fécondité diminuent tandis que le célibat et le nombre de divorces augmentent. De nouvelles formes de famille apparaissent telles les familles monoparentales ou les familles recomposées.

On peut interpréter ces phénomènes comme une crise de la famille et du mariage ou alors le considérer comme un désir de liberté et d’autonomie et un plus grand individualisme. Quoiqu’il en soit la rupture du lien familial conduit aussi très souvent à l’exclusion. Ainsi, en France en 1993, 20,3% des RMIstes étaient des familles monoparentales et 58,7% des personnes seules.

+ On peut donc dire que la famille ne remplit plus son rôle de cellule protectrice et c’est la société par l’intermédiaire de l’Etat-providence, qui se substitue à elle (ex : le soutien et l’assistance sont du ressort de la Sécurité Sociale qui distribue des allocations diverses et prend en charge les dépenses de santé). Selon T. PARSONS, école fonctionnaliste, la famille a aujourd'hui perdu un grand nombre de ses fonctions traditionnelles au profit d’institutions spécialisées (ex : maisons de retraite, assistance publique). De plus, le travail féminin en augmentation laisse le foyer vide et les enfants se trouvent souvent livrés à eux-mêmes tandis que la socialisation est laissée aux bons soins de l’école ou des médias (ex : la TV).

La famille ne fournit plus un modèle ni un refuge et ne remplit plus sa fonction d’intégration sociale.

2- Le poids des religions

+ La religion (du latin "religare" signifiant relier) est comme la famille une instance de socialisation, elle a donc une fonction d’intégration sociale. Ainsi, elle légitime l’ordre social en fournissant des repères qui ordonnent la vie quotidienne et règle les relations sociales («chacun à sa place »). De plus, elle contrôle que les normes soient bien respectées (ex: la confession qui contrôle les péchés des fidèles), c’est la condition d’accès au salut après la mort et permettant d’attirer les faveurs du ciel. La religion propose donc un modèle permettant de réussir sa vie.

+ A la suite de M. WEBER qui parlait d’affinités électives entre l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme(cf. introduction), d’autres sociologues ont montré l’importance de la religion pour comprendre la représentation du monde de certaines sociétés (ex : l’islam ou le confucianisme). La religion est ainsi la philosophie des sociétés car elle donne à chacun une échelle des valeurs idéales et des règles de conduite permettant de les atteindre (ex: interdiction de l'alcool dans la religion musulmane qui permet de garder la tête froide).

+ Aujourd’hui cependant, les religions ont tendance à s’effacer dans les sociétés modernes. Ainsi selon Y. LAMBERT in R. F. S.  en France, moins de 15% de l’ensemble des français disaient avoir une pratique religieuse mensuelle. Pourtant 67% des français se disent toujours catholiques bien que non pratiquants. En fait, il semblerait qu’ils pratiquent une religion «à la carte» en choisissant d’honorer quelques grands rites de passage (ex : baptême, mariage, funérailles) tandis que de grandes fêtes chrétiennes sont plutôt des hymnes à la consommation (ex : Noël).

L’effacement de la religion témoigne alors du relâchement des liens sociaux, la même foi religieuse n’unissant plus tous les habitants d’un quartier ou d’un village, tandis que les mêmes normes et les mêmes valeurs n’orientent plus leurs comportements en donnant un sens à leur vie et fondant la légitimité de l’ordre social. De tout cela découle alors le phénomène d'anomie qui provoque le désordre social.

3- Le recul des idéologies

+ L’idéologie est un ensemble d’idées, de croyances et de jugements qui fournissent à ceux qui y adhèrent une représentation du monde et de la société, ainsi qu’une justification de leurs actions. L’idéologie propose une vision du monde non scientifique, même si elle prend l’apparence d’un système rationnel et cohérent, mais elle n’a pas la neutralité de la science. L’idéologie a aussi une fonction d’intégration car elle offre aux groupes sociaux des buts, des modèles de société et des moyens pour les atteindre, elle donne un sens à l’action collective..

+ Pour K. MARX l’idéologie dominante de la société à un moment donné est celle de la classe dominante : valeurs des seigneurs dans le système capitaliste, valeurs de la bourgeoisie dans le système féodal. Les idéologies se cristallisent dans les partis politiques, les syndicats et autres groupes de pression. Ainsi les partis politiques ou les syndicats s’appuient sur une idéologie pour justifier leur action en vue de la prise du pouvoir (cas des partis politiques) ou en tant que contre-pouvoir (cas des syndicats).

+ Mais on remarque qu’aujourd’hui, les idéologies ne font plus recette. Ainsi les syndicats ont enregistré un net recul depuis une trentaine d’années. En France le nombre de leurs adhérents représentait 22,3% des salariés en 1970, il est tombé à 9,8% en 1990 soit moins de la moitié. De même, l’étude de la participation électorale montre que dans les sociétés industrialisées l’abstentionnisme gagne du terrain et plus du tiers des citoyens déclarent se désintéresser de la politique. En France, on constate une diminution régulière des taux de participation aux élections législatives, certaines avoisinent les 50% alors que les présidentielles mobilisent plus de 70% des électeurs.

Le profil de l'électeur est ainsi significatif: il s'agit d'un homme de 45 à 75 ans, propriétaire, ayant un diplôme supérieur au Bac, salarié avec un emploi stable ou exerçant une profession indépendante. On le voit, les populations fragiles (jeunes, emplois instables et non diplômés) s'excluent de la vie politique. D. GAXIE parle ainsi d'un "cens caché" qui explique le désintérêt des abstentionnistes pour la politique , par le sentiment de leur incompétence. En s'abstenant, ils s'autoexcluent de la société et deviennent de fait des non-citoyens.

Ce désintérêt témoigne alors d’une moindre intégration sociale et les élus ne représentent qu’une fraction de la population qu’ils sont censés représenter. Mais celle-ci tout entière sera finalement soumise aux lois qu’ils feront voter.

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B/ Les nouvelles valeurs                                                             

1- L'uniformisation des cultures

+ La mondialisation des échanges et des communications est à la base d’un phénomène de diffusion des nouvelles valeurs de la modernité. On définit la modernité comme l’ensemble des valeurs nouvelles telles que l’égalité, la liberté, la rationalité, ainsi que les normes de comportement qui en découlent tels le libéralisme et l’individualisme qui caractérisent les sociétés industrielles. En sociologie, le terme de modernité s’oppose à tradition.

+ Ces nouvelles valeurs sont au centre d’un processus d’acculturation et d’uniformisation des cultures qui se produit au fur et à mesure que la modernité, suivant le progrès technique se propage à travers le monde. On parle alors d’un phénomène épidémiologique.

On constate en effet des changements profonds au niveau des croyances, des idées, des attitudes et opinions, des institutions et aussi des modes de vie. L’Europe a été la première à entrer dans la modernité avec la RI, mais aujourd’hui, de proche en proche, ce sont tous les pays du monde qui sont touchés par ce phénomène. Ces pays adoptent alors les valeurs de la modernité en abandonnant celles de leur culture traditionnelle qui sont les plus en contradiction avec ces nouvelles valeurs (ex : la polygamie, le meurtre des filles, le travail des enfants qui sont contraires à la liberté ou à l’égalité, au respect de la vie et à l’épanouissement individuel).

+ L’acculturation se fait en général par contact direct et prolongé entre deux cultures et la modernité peut paraître attirante et libératrice à une minorité qui devient son agent propagateur (ex : le port du jean qui est apparu comme un élément libérateur pour la jeunesse européenne). Mais elle peut aussi être imposée par la force (ex : le mode de vie américain pour les Indiens).

Les 2 principales valeurs caractéristiques de la modernité sont la rationalité qui contient une idée d’efficacité (cf. ante) et la démocratie qui recouvre les idées d’égalité et de liberté, celles-ci, en se propageant à travers le monde sont donc responsables d’une certaine uniformisation des cultures.

2- Les nouveaux styles de vie

+ On constate alors que les pratiques sociales convergent vers un mode de vie consensuel. Ainsi, la consommation de masse a permis, dans les PDEM, d’accéder à des biens considérés longtemps comme un luxe (ex : voiture, maison, biens d’équipement etc.). Les loisirs et surtout le sport se généralisent, dans lesquels les différences de classe tendent à s’estomper, même si une certaine différenciation persiste au niveau de la qualité (ex : vacances ± lointaines, longues, été/hiver etc.).

+ Cependant, malgré une apparente homogénéisation culturelle, il semble que  les spécificités culturelles demeurent. Ainsi les cultures restent enracinées dans les pratiques quotidiennes de chaque pays (ex: les goûts et les pratiques alimentaires). Des mouvements politiques ou religieux exploitent aussi le respect des traditions en s'opposant à la modernité (ex: le C. N. P. T.  ou les mouvements régionalistes français et européens, les intégrismes religieux).

Mais on observe aussi un phénomène d'hybridation culturelle où certaines cultures nouvelles se mêlent aux anciennes (ex: la "world music"). On peut alors constater que les modes de vie et les styles de vie se multiplient aussi. Ainsi B. CATHELAT a établi une carte des sociostyles qui différencient 5 grands types de mentalités selon 2 axes relatifs à une position sur une échelle allant du conservatisme à l’aventurisme et de la rigueur à la jouissance :

 les décalés(17,3% de la population observée) sont les plus ouverts au changement, aventureux et dynamiques

 les rigoristes (20,1%) sont caractérisés par leur rigueur et leur conservatisme

 les égocentrés (22,5%) sont les plus attachés à la jouissance matérielle

 les activistes (13,3%) sont plus centrés sur les 2 axes mais plutôt aventureux et dynamiques

 alors que les matérialistes (26,8%) sont également centrés mais davantage conservateurs.

Il s’agit d’une approche empirique et pragmatique qui cherche à photographier des attitudes et des comportements individuels actuels. Bien qu’assez critiquée, elle a le mérite de rendre compte des nouvelles différenciations qui apparaissent dans les sociétés modernes, au-delà des différences de classe.

Conclusion

On constate qu’aujourd’hui le changement social est toujours à l’œuvre avec le passage d’une société moderne à une société post-moderne caractérisée par des valeurs post-matérialistes telles que:

une plus grande participation des citoyens aux décisions

la protection de la liberté d'expression

un plus grand droit à la parole dans les décisions concernant le travail et la vie de la communauté

l'embellissement des villes et des campagnes

l'avènement d'une société où les idées comptent plus que l'argent

De nouvelles formes familiales sont apparues (ex : familles recomposées), ainsi que de nouvelles religions (ex : les sectes) et aussi de nouvelles formes de solidarités (ex : Restau du cœur) qui cherchent à retisser un lien social entre les individus et les groupes.

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Mme SODAIGUI, professeur de Sciences Economiques et Sociales