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Chapitre 6 : Démocratie et inégalités

 

 

PLAN

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Introduction

I - La démocratie

A/ La démocratie selon Tocqueville

1- L’égalitarisme

2- Le libéralisme

3- L’individualisme

B/ Inégalités et justice sociale

1- Les tensions entre liberté et égalité

2- La justice sociale

3- Les inégalités en France

II - Mobilité sociale et inégalités

A/ La mobilité sociale

1- Les concepts

2- L’observation des flux

3- L’analyse des tables de mobilité

B/ Les facteurs de la mobilité sociale

1- Le rôle de la famille

2- Le rôle de l’école

C/ Les analyses théoriques de l’inégalité des chances

1- Reproduction et domination

2- Stratégie des acteurs et effets de système

Conclusion

Introduction

+ Parmi les idéologies véhiculées par la modernité, figurent les principes fondamentaux de liberté, égalité, ou encore justice sociale. On peut alors se demander si ces idéaux ont été atteints dans les sociétés modernes.

+ Après avoir étudié le rôle de la démocratie dans la réduction des inégalités, on s’interrogera sur la mobilité sociale et en particulier sur les effets de la démocratisation de l’école dans ce domaine.

I - La démocratie

A/ La démocratie selon Tocqueville

Pour TOCQUEVILLE, la démocratie américaine qu’il étudie particulièrement présente trois caractères essentiels : l’égalitarisme ou passion pour l’égalité, le libéralisme et enfin l’individualisme qui est selon lui le risque inhérent aux sociétés modernes.

1-L’égalitarisme

+ L’égalitarisme est, selon TOCQUEVILLE, le trait le plus notable d’une société démocratique. Il s’agit d’une idéologie qui attribue à l’égalité une place prépondérante dans le système de valeurs et considère la réduction des inégalités comme un objectif prioritaire.

On peut distinguer 3 formes d’égalités :

* l’égalité de droit, c’est-à-dire de conditions juridiques : tous les individus sont égaux devant la loi, il n’y a pas de privilèges juridiquement institués.

* l’égalité des chances qui est le principe de méritocratie : tout individu peut accéder aux positions sociales que leur permettent leurs talents.

* L’égalité de fait, c’est-à-dire des conditions matérielles d’existence. Elle se traduit par un rapprochement des situations concrètes, du niveau et du mode de vie des individus et des groupes.

+ L’égalisation des conditions est alors, selon TOCQUEVILLE, la suppression des privilèges et de la transmission héréditaire du statut, propres à l’Ancien Régime. Tous les honneurs et dignités sont accessibles à tous, selon leur mérite, ce qui rend possible la moyennisation, c’est-à-dire le rapprochement progressif des niveaux de vie.

TOCQUEVILLE a observé cette tendance à l’œuvre aux Etats Unis au début du XIX° siècle et l’a expliqué par l’histoire américaine caractérisée par la colonisation anglaise, qui a été le fait d’individus issus de classes moyennes que la religion puritaine a incité à une vie laborieuse (cf. WEBER). En France, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 a inscrit la liberté et l’égalité dans le droit, tandis que la Constitution de 1791 a aboli les privilèges et les anciens ordres. Cependant la question de la réduction des inégalités est encore aujourd’hui une question ouverte (ex : la parité H/F), et la mobilité sociale reste toujours relativement limitée (cf. II).

2-Le libéralisme

+ Le libéralisme est une idéologie qui fait de la liberté individuelle la valeur fondamentale de la société, reconnaissant à l’homme le droit à l’autonomie, à l’initiative et à l’épanouissement de ses potentialités.

+ La notion de liberté recouvre à la fois le domaine politique, économique et social.

* le libéralisme politique prône le respect des libertés publiques telles que la liberté d’information, d’opinion, de réunion, d’association etc. Elle donne aux citoyens un ensemble de droits tels que la protection contre un pouvoir arbitraire, la participation aux décisions politiques en leur permettant de choisir leurs gouvernants par le libre exercice du droit de vote, etc.

* le libéralisme économique repose sur l’économie de marché. Elle prône la liberté économique, c’est-à-dire la liberté de travailler, d’entreprendre, de commercer, de passer des contrats, basée sur la propriété privée.

* Le libéralisme social est une doctrine progressiste qui étend les droits de l’homme à la liberté des mœurs. Elle est fondée sur la tolérance vis-à-vis des groupes minoritaires et des comportements déviants (ex : l’homosexualité).

3-L’individualisme

+ Pour TOCQUEVILLE, l’individualisme est à la fois un désir de bien-être matériel amenant à se consacrer à l’amélioration de sa condition, et une attitude qui incite chaque individu à s’isoler de la masse de ses semblables en se repliant sur la sphère privée de son existence (famille, amis proches).

La recherche du bien être matériel amène alors les hommes à consacrer l’essentiel de leur temps au travail qui est la source de leurs revenus. Mais l’individualisme les conduit aussi à se désintéresser des affaires publiques et de la vie politique.

+ Or, selon TOCQUEVILLE, le repli des hommes sur leur sphère privée risque de mener au despotisme, c’est-à-dire à la situation où le pouvoir est concentré entre les mains de quelques décideurs qui imposent leur vision du monde à tous. Pour lui, avec la démocratie, se développe donc l’individualisme et le goût du bien être matériel, ce qui peut conduire à la servitude dans le despotisme.

Pour éviter cela, Il faut, selon lui, que des institutions ou des associations libres de citoyens, la «société civile », fassent contre poids au pouvoir central. TOCQUEVILLE rejoint ainsi la pensée de MONTESQUIEU, selon lequel la séparation des pouvoirs était la condition sine qua non de la démocratie (cf. cours Sciences po), et il est lui-même rejoint par DURKHEIM qui voyait comme essentiel le rôle des institutions intermédiaires dans la cité.

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B/ Inégalités et justice sociale

Pour TOCQUEVILLE le terme de démocratie n’a pas seulement un sens politique, il désigne plutôt un état social, et c’est la passion pour l’égalité qui le caractérise le plus. Mais on peut se demander si l’égalité conduit forcément à la justice sociale.

1-Les tensions entre liberté et égalité

+ On peut dire que la démocratie est en permanence dans un état de tensions entre égalité et liberté. En effet, l’égalité est un idéal de justice sociale mais l’égalitarisme risque de conduire à des abus afin d’éviter l’élitisme. On aboutit alors à un nivellement par le bas contraire au principe de méritocratie. (Ex ; payer tous les salariés au même taux, quels que soient leur compétence et le travail fourni). Dans ces conditions la liberté n’est pas reconnue, en particulier l’initiative et le mérite individuel. D’autre part, la liberté est aussi un idéal social, mais elle comporte aussi des abus car elle peut conduire à l’anarchie par refus de la part des individus de toute forme de contrainte. Elle peut alors être en contradiction avec l’égalité et la démocratie (ex : non-respect des lois sociales).cf. transparent n°2.

+ Pour TOCQUEVILLE l’anarchie n’était pas à craindre, mais plutôt la mise sous tutelle d’hommes désintéressés du politique. En effet, la moyennisation fait craindre à la majorité de perdre ce qu’elle a, ce qui ne l’incite ni à faire la révolution, ni à l’anarchie. Le plus grand danger qui guette les sociétés démocratiques est donc, selon lui, le despotisme.

2-La justice sociale

+ Pour l’économiste F. Von HAYEK, la démocratie ne peut avoir pour but d’égaliser les conditions matérielles, car elle ne dispose d’aucune règle de justice lui permettant de le faire. Selon lui, la justice sociale est donc un non-sens.

+ Mais selon J.  RAWLS, l’égalité matérielle n’est pas toujours souhaitable, tandis qu’avant tout, la société doit être juste. Pour lui, égalité et justice ne riment pas forcément. Ainsi, les inégalités économiques et sociales sont admissibles, à condition que, d’une part, les postes les plus intéressants soient ouverts à tous dans une parfaite égalité des chances, et d’autres part, que les inégalités profitent à tous. Par exemple, si un chef d’entreprise gagne 10 fois plus qu’un ouvrier, ce n’est pas injuste si cette différence de revenus résulte d’une différence de compétences et d’investissement personnel, et dans la mesure où il réinvestit ses bénéfices, ce qui permet de créer des emplois, car sa richesse profite alors à l’ensemble de la société.

A l’inverse, les inégalités doivent être corrigées lorsqu’elles pénalisent les plus pauvres et ne profitent qu’à quelques privilégiés. Mais, pour RAWLS une société doit être juste avant d’être égalitaire.

3-Les inégalités en France

+ Malgré l’instauration de la démocratie et la volonté affichée d’égalité, on constate qu’aujourd’hui en France, les inégalités sont nombreuses : à la fois économiques, sociales et politiques :

* Les inégalités de revenu sont nombreuses et amplifiées par les inégalités de patrimoine plus importantes encore. On constate donc que les inégalités s’accumulent et ont tendance à s’accroître (transparent n°2).

L’Etat-providence cherche alors à réduire les inégalités grâce au système de la Redistribution qui s’effectue de façon verticale, c’est-à-dire des plus riches (qui cotisent le plus car les prélèvements sont fonction des revenus) vers les plus pauvres (qui perçoivent le plus car les prestations se font en fonction des besoins).cf. cours 1°ES).

* Les inégalités sociales sont nombreuses également : inégalités entre classes visibles dans les conditions et les modes de vie (ex : quartiers chics/ quartiers défavorisés), entre CSP notables dans certains indicateurs (ex : taux de chômage, poursuite d’étude des enfants, espérance de vie cf. transparent n°3), entre sexes (ex : salaires et statuts dans le secteur privé, dans le domaine politique cf. actualité, dans certaines professions PDG, chirurgien).

Ici encore l’Etat-providence cherche à réduire les inégalités par des lois (ex : la parité hommes/femmes) ou par une discrimination positive (ex : école gratuite, laïque et obligatoire destinée à favoriser la mobilité sociale, aides spécifiques aux établissements où sont concentrés les élèves en difficulté, type ZEP, aides à l’emploi dans les quartiers sensibles, type zones franches).

* Les inégalités politiques sont moins visibles qu’au XIX° siècle où étaient exclus du vote les pauvres, les femmes et les domestiques. Le suffrage masculin et censitaire a été peu à peu supprimé (adoption du suffrage universel en 1848 avec la suppression du cens, accès des femmes au droit de vote en 1945, vote à 18 ans en 1974).

Néanmoins les inégalités restent manifestes :la profession, le niveau de diplôme et de revenu, et l’âge creusent les écarts en matière de participation électorale. D. GAXIE parle d’un «cens caché » qui exclue aujourd’hui du processus de vote tous ceux qui ont le sentiment de leur incapacité à déchiffrer le message politique et à comprendre les enjeux électoraux (cf. ante). Il s’agit des CSP les moins diplômées et qualifiées qui pratiquent le plus l’abstentionnisme électoral, et pour A. LANCELOT, des minorités les moins intégrées dans la société.

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II - Mobilité sociale et inégalités

Pour étudier la mobilité sociale, on s’appuie en général sur la nomenclature des PCS car les classes sociales se prêtent mal à la mesure. Ainsi 2 sociologues, C. THELOT et M. DURU-BELLAT ont cherché à faire coïncider les classes et les CSP, mais on constate que certains groupes pivots sont difficiles à positionner (transparent n°4).

A/ La mobilité sociale

1-Les concepts

+ P. SOROKIN définit la mobilité sociale comme «un phénomène de déplacement d’individus dans l’espace social ». Ce trajet est décrit à partir de la stratification sociale. On peut donc dire que la mobilité sociale est le changement de position sociale d’un individu au cours de sa vie (mobilité intra-générationnelle) ou par rapport aux générations précédentes (mobilité intergénérationnelle). Un simple changement de profession sans changer de statut produit une mobilité sociale horizontale, alors que la mobilité sociale verticale peut être ascendante dans le cas d’une promotion sociale, ou descendance dans le cas d’un déclassement social.

+ La mobilité sociale observée dans les tables est une mobilité brute qui recouvre une mobilité de circulation, ou mobilité nette, résultant d’un choix de la part des individus observés, et une mobilité structurelle résultant de l’évolution de la population active. La mobilité parfaite est théorique, elle correspond à une parfaite égalité des chances (ex : si les classes dominantes représentent 15% de la population, 15% de chaque classe devrait accéder à celles-ci).

2-L’observation des flux

+ La table des destinées répond à la question : « Que deviennent les fils d’une CSP donnée ? », Tandis que la table des origines se demande «de quelle CSP viennent les individus qui occupent aujourd’hui une position sociale donnée ? ».

L’étude des marges donne la mesure de la mobilité structurelle car certaines catégories sont en déclin :

* les agriculteurs qui représentaient 16,8% des actifs à la génération des pères et ne sont plus que 4,9% à celle des fils ; du fait de l’exode rural, les fils d’agriculteurs sont contraints de trouver des emplois dans d’autres professions 

* les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (respectivement 13,3% et 11,4%)

* et les ouvriers (37,5% à 32,2%) dans une moindre mesure.

Au contraire, d’autres catégories sont en expansion :

* les cadres (8,1% à 18,9%)

* et les professions intermédiaires (10,2 à 23,2%) surtout

* ainsi que les employés, bien que les tables de mobilité ne le montrent pas car elles ne considèrent que les générations masculines alors que c’est une profession très féminisée.

Ces professions tertiaires sont alors très ouvertes et obligées de recruter dans d’autres CSP d’origine.

+ Les tables de mobilité montrent qu’il y a une mobilité de circulation ascendante qui résulte de la scolarisation car la proportion de cadres et de professions intermédiaires a plus que doublé entre les 2 générations. Elles reflètent bien l’évolution professionnelle déjà observée (cf. chapitre 3), mais elles donnent aussi des renseignements à caractère purement social.

3-L’analyse des tables de mobilité

+ Les tables de mobilité sociale permettent de faire 3 constatations :

* Il existe une forte immobilité sociale qui se lit sur la diagonale des tables. Elle signifie que, dans la plupart des CSP, il est plus probable de rester dans sa catégorie d’origine que d’en changer. Le travail de M. DURU-BELLAT sur les classes sociales renforce cette constatation (transparent n°5).

* Cependant l’immobilité sociale est plus forte aux deux extrémités de la hiérarchie sociale : chez les cadres et chez les ouvriers, puisque dans les deux cas, 1 fils sur 2 reste dans la même CSP que son père. La reproduction sociale est forte également chez les agriculteurs exploitants et chez les artisans, commerçants et chefs d’entreprise qui pratiquent l’auto-recrutement, mais celui-ci est tempéré par une mobilité structurelle qui pousse les fils vers d’autres professions (ex : ouvriers). Les ouvriers pratiquent aussi l’auto-recrutement, tandis que la catégorie des cadres est plus ouverte car c’est une catégorie en expansion, alors que les 3 autres sont en déclin.

* Il existe cependant une mobilité sociale de circulation que l’on constate chez les catégories moyennes : employés et professions intermédiaires. C’est une mobilité verticale ascendante qui correspond à une promotion sociale des employés vers les professions intermédiaires puis vers les cadres.

* Enfin, il existe une mobilité structurelle qui s’effectue horizontalement entre les agriculteurs exploitants et les ouvriers et entre les artisans, commerçants et chefs d’entreprise et les cadres.

+ On peut conclure de cette analyse que, si l’immobilité sociale reste forte aujourd’hui en France, il existe une relative mobilité entre catégories voisines. Ce qui signifie que l’inégalité des chances s’est réduite depuis 40 ans environ (transparent n°5).

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B/ Les facteurs de la mobilité sociale

2 facteurs doivent être distingués : la famille qui explique l’inégalité des chances, et l’école qui cherche à réduire celle-ci.

1-Le rôle de la famille

+ La famille est responsable de l’hérédité sociale. Mais celle-ci n’est pas liée à une hérédité génétique comme on l’a cru pendant longtemps, mais plutôt à un acquis familial. L’hérédité sociale s’explique par 3 éléments : l’homogamie des parents, l’effet de généalogie et l’effet de rang.

* En effet l’homogamie est forte dans les classes sociales et chez les CSP (transparent n°6). Elle se lit sur la diagonale qui montre que dans la plupart des cas, les conjoints appartiennent à la même catégorie d’origine. L’homogamie est la plus forte chez les agriculteurs et les employés. Les deux parents appartenant à la même CSP, il est alors plus probable pour les enfants d’y rester à leur tour, car on a montré que le rôle de la mère était déterminant dans la réussite scolaire des enfants et notamment au niveau du suivi scolaire et de leur orientation.

* L’effet de généalogie joue également car, sur 3 générations, on constate que la situation des grands-parents renforce encore l’hérédité sociale et influence les trajectoires individuelles.

* Enfin l’effet de rang vient également jouer sur le devenir des enfants. Ainsi, à milieu social identique, on remarque que les enfants de familles peu nombreuses réussissent mieux que les enfants de familles plus nombreuses. La plus forte fécondité des classes populaires réduit donc les chances de promotion de leurs enfants.

+ On voit donc que l’hérédité sociale est forte pour de nombreuses raisons, et elle est particulièrement marquée dans certaines professions où la culture spécifique du milieu est prégnante comme chez les enseignants, les médecins, les professions juridiques ou chez les hauts fonctionnaires (préfets, ministres, diplomates). Chez les professions industrielles et commerciales, l’hérédité sociale est aussi forte du fait de la transmission d'un capital économique (fond de commerce).

2-Le rôle de l’école

+ L’école cherche à contrebalancer l’hérédité sociale que l’on vient de mettre en évidence. L’école a été conçue en France sous la III° République (1870-1940), comme l’institution centrale de la démocratisation de la société. Elle a donc été voulue gratuite, laïque et obligatoire, afin de donner à tous les enfants, quelle que soit leur origine, les mêmes chances de réussite scolaire.

La République a cherché à former une élite méritocratique destinée à remplacer les anciennes élites de classe.

+ La démocratisation de l’école (transparent n°7) s’est effectuée de manière assez lente jusqu’au début du XX° siècle, puis plus rapidement par la suite avec la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (1959), la création des Bacs techniques, des BTS et DUT et des Bacs professionnels. Les chiffres montrent cette démocratisation puisque dans les années 50 1 jeune sur 20 obtenait son Bac parmi une même classe d’âge et 80% s’arrêtait au certificat d’études ou au CAP. Dans les années 60 environ 1 enfant sur 2 d’une classe d’âge accédait à l’enseignement secondaire (la 6°) et 20% obtenait le Bac. Au début des années 90, c’est 70% des jeunes qui accédaient au 2° cycle (en 2°) et près de 450 000 bacheliers en sortent chaque année, tandis que la population des étudiants approche les 2 millions. Aujourd’hui on approche de l’objectif fixé par JP CHEVENEMENT (ministre années 80) des 80% d’une classe d’âge au niveau Bac en l’an 2000. C’est ce que l’on appelle la massification scolaire ou école de masse.

+ Mais, si en 1993, 60% d’une classe d’âge a obtenu son Bac, contre 20% seulement en 1965, des inégalités demeurent entre CSP (transparent n°8). Ainsi, les enfants des cadres et professions libérales ont 3 fois plus de chances d’obtenir leur Bac que les enfants d’ouvriers qualifiés et 6 fois plus d’accéder à l’Université.

De plus, il existe toujours une distinction de classe qui s’effectue moins de façon verticale (élimination des élèves à chaque palier d’orientation : 6°, 4°, 2°, université), même si l’échec scolaire reste plus important chez les enfants des classes populaires que chez ceux des classes moyennes et supérieures. Cette distinction s’effectue plutôt aujourd’hui de façon horizontale : les jeunes issus des classes populaires s’orientent davantage vers l’enseignement technologique et professionnel et les formations supérieures courtes (BTS et DUT). Au contraire l’enseignement général, et plus encore la filière scientifique et ses débouchés prestigieux (médecine, écoles d’ingénieurs) ont un recrutement très fermé à l’intérieurs des classes supérieures.

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C/ Les analyses théoriques de l’inégalité des chances

2 visions s’opposent : celle de P. BOURDIEU qui s’inspire de l’analyse holiste de DURKHEIM, et celle de R. BOUDON qui s’inscrit dans le courant libéral de l’individualisme méthodologique et invoque la rationalité des acteurs de WEBER.

1-Reproduction et domination

+ Selon P . BOURDIEU et J. C. PASSERON, l’école et la famille sont responsables de la Reproduction sociale :

* la famille d’abord, qui transmet un capital économique (revenu, patrimoine professionnel), social (réseau de relations, groupe des pairs) et culturel (niveau de diplôme des parents, environnement et suivi). Les classes dominantes sont largement dotées dans chacun d’eux et peuvent au besoin effectuer des conversion d’un capital dans l’autre (ex : du capital économique vers le capital culturel grâce aux cours particuliers). Ce qui n’est pas le cas des classes dominées qui subissent davantage leur sort, d’où la Reproduction sociale (analyse déterministe).

* L’école est selon ces deux auteurs responsable de la reproduction de l’ordre établi, en reproduisant les inégalités déjà existantes. En effet la culture dispensée par l’école est une culture savante qui favorise les enfants des classes dominantes qui sont déjà familiarisés avec celle-ci grâce à l’Habitus de classe (pratiques cf. transparent n°9). Le rôle du capital culturel est donc déterminant dans la réussite scolaire des enfants car l’école valorise en effet la langue écrite, certaines pratiques culturelles (visite de musés, sorties au théâtre), la connaissance de certains auteurs et de certaines idées (philosophie) qui sont élevées chez les classes dominantes et faibles chez les classes populaires. L’examen qui sanctionne la réussite légitime alors le fait de diriger et donne l’apparence méritocratique à ce qui n’est, selon BOURDIEU et PASSERON, que la reproduction des classes dominantes. Selon eux, à l’école, le principe de domination l’emporte sur celui de méritocratie.

* De plus, la conversion d’un capital dans l’autre permet aux enfants des classes dominantes de poursuivre leurs études malgré un niveau scolaire faible ou moyen, ce qui n’est pas le cas des enfants des classes moyennes et populaires. Pour ces derniers, la culture de leur classe d’origine est souvent en contradiction avec la culture scolaire, ce qui les défavorise car ils ont plus de difficulté à assimiler des connaissances nouvelles (façon de s’exprimer, de penser, d’écrire, idées, auteurs etc.). Pour eux, les difficultés s’accumulent car, aux difficultés culturelles s’ajoutent les difficultés matérielles (financement d’études longues : logement, livres etc.), ce qui explique donc leur domination.

+ Pour BOURDIEU et PASSERON la Reproduction sociale est donc déterminée par l’inégalité des chances (transparent n°6).

2-Stratégie des acteurs et effets de système

+ Selon R. BOUDON, la stratégie des acteurs résulte d’une conduite rationnelle. Il s’agit d’un calcul rationnel effectué par les acteurs entre coûts et avantages qui dicte leur conduite.

* Ainsi, à chaque palier d’orientation, il y a un choix stratégique à faire. Tandis que les bons élèves continuent leurs études, les élèves moyens ou faibles ont une probabilité différente selon leur origine sociale de poursuivre des études ou non (transparent n°7). Dans les classes supérieures on s’acharnera à maintenir les enfants dans l’enseignement long malgré un niveau de réussite faible, ce qui n’est pas le cas des classes populaires : 65% des premiers contre 20% des seconds poursuivent leurs études. La différence de probabilité à poursuivre les études augmente alors à chaque palier entre les différentes classes sociales.

* De plus, pour BOURDON, la démocratisation de l’école tend à dévaloriser les diplômes, si bien que, malgré un niveau de diplôme supérieur à ceux des parents, la majorité des enfants reste dans la même classe qu’eux. C’est ce que montre le « paradoxe d’Anderson » (transparent n°10). Il y a donc, pour BOUDON, un effet pervers du système car, comme le niveau moyen scolaire augmente, chaque individu doit augmenter son investissement scolaire pour maintenir ses chances relatives. Les diplômes deviennent alors de plus en plus nécessaires mais de moins en moins suffisants pour obtenir une situation.

+ Pour BOUDON l’origine sociale joue donc, non pas sur l’inégalité des chances comme pour BOURDIEU, mais sur la stratégie des acteurs et leur investissement scolaire. Et cette inégalité résulte plutôt d’effets de système comme la dévalorisation des diplômes, conséquence de la démocratisation de l’école.

Conclusion

Malgré la démocratisation de la société, mise en évidence par TOCQUEVILLE, et celle de l’éducation en particulier depuis un siècle, les inégalités sociales n’ont pas disparu, bien qu’elles se soient quelque peu atténuées. Toutefois elles tendent toujours à se reproduire de génération en génération.

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Mme SODAIGUI, professeur de Sciences Economiques et Sociales