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Thème 9 :

 L'inégalité des chances selon BOURDIEU et BOUDON

                                                                              

Plan

Introduction

 I - L’analyse de P. BOURDIEU

 II - L’analyse de R. BOUDON

 III - Prolongements contemporains

 

 

 

 

Introduction

L’inégalité des chances fait l’objet de 2 analyses qui s’opposent :

celle de P. BOURDIEU qui se situe dans le courant déterministe

et celle de R. BOUDON qui s’inscrit dans celui de l’individualisme méthodologique.

I- L’analyse de P. BOURDIEU

Selon P. BOURDIEU, la classe d’origine est déterminante dans la réussite des enfants, ce qui explique que la reproduction sociale soit forte et qu’il y ait une faible mobilité malgré le système scolaire sensé égaliser les chances de chacun d’eux.

Selon lui, la famille transmet à la fois un capital économique (patrimoine, conditions matérielles d’existence, etc.), un capital social (relations, groupe des pairs, etc.) mais surtout un capital culturel à ses enfants. C’est ce dernier qui, selon BOURDIEU, joue le rôle clé dans la réussite scolaire.

On définit le capital culturel comme «le processus par lequel les valeurs, les normes et les comportements, mais aussi les dispositions relatives au savoir sont transmis d’une génération à l’autre, dans le cadre de la famille et de l’entourage ».

A son tour ce capital culturel est tridimensionnel (transparent) :

le capital culturel incorporé est le fruit de la socialisation différenciée : les parents transmettent aux jeunes générations une maîtrise inégale du langage et des aptitudes diverses face à l’école, c’est-à-dire des principes inconscients, un "avoir devenu être" que BOURDIEU appelle l’"habitus de classe" (ex: les manières de table guindées dans les classes supérieures, laisser aller dans les classes populaires; l'attitude face à l'école respectueuse des professeurs dans les classes supérieures , interpellations familiarités dans les classes populaires, langage recherché dans les classes supérieures, populaire et simplifié dans les classes populaires)

le capital culturel objectivé désigne les outils de la culture possédée par une famille et mis à la disposition des enfants : pratiques culturelles diverses telles que les livres de la bibliothèque familiale (ex: grands auteurs et philosophes chez les classes supérieures, collection arlequin chez les classes populaires), la visite de musées, les sorties au théâtre, pratiques professionnelles, connaissances mécaniques, aptitudes manuelles, etc.

le capital culturel institutionnalisé désigne enfin la transformation d’une culture personnelle en produits institutionnels comme par exemple les diplômes (ex: diplômes de l'enseignement supérieur chez les classes dominantes, CAP et BEP dans les classes populaires).

Selon BOURDIEU, plus le niveau culturel de la famille est élevé et plus l’enfant aura de chances de réussir à l’école car c’est le capital culturel qui est valorisé à l’école.

Ainsi les classes populaires justifient elles-mêmes l’élimination de leurs enfants en disant qu’ils « ne sont pas doués pour les études ». Pour BOURDIEU, elles sont en fait victimes d’une domination symbolique car c’est l’inégale familiarité de chaque classe avec la culture savante dispensée par l’école qui explique les écarts importants entre les taux de réussite et non pas un quelconque « don ». Pour lui, le système égalitaire de l’école, qui donne à tous le même enseignement est en fait porteur d’inégalités car il reproduit les inégalités existant au départ. Il valorise ainsi la culture savante qui est celle des classes dominantes et non la culture populaire des classes dominées, à son tour il transmet un savoir savant que sont mieux à même d’assimiler ceux qui sont déjà familiarisés avec ce savoir (connaissances des parents, conversations en famille et avec les amis des parents, etc.).

Autrement dit, pour BOURDIEU, le système d’éducation s’adresse à des enfants qui ont au départ un capital culturel qui va leur permettre de se diriger avec aisance dans le milieu scolaire et de transformer ce capital en diplômes (capital culturel institutionnalisé). Au contraire, les classes populaires ont un héritage culturel qui s’oppose dans ses valeurs (force physique, habileté manuelle, etc.), dans son langage (populaire, familier, de construction simple) à la culture valorisée par l’école et pour laquelle ils doivent faire un plus grand effort d’apprentissage.

Selon BOURDIEU la principale fonction du système scolaire est donc de reproduire et de légitimer l'ordre établi. En effet le système scolaire est sélectif, il distribue des diplômes aux plus méritants et sépare ainsi ceux qui obtiendront leurs diplômes et deviendront ceux qui auront le droit de commander de ceux qui ne l'obtiendront pas et iront dans la classe des dominés. Le système scolaire distribue ainsi "les parchemins du pouvoir" en établissant des ordres distincts: les élus et les autres.

L’école donne ainsi l’apparence de la méritocratie à la domination des classes dominantes, ce qui lui permet de légitimer cette domination. Pour BOURDIEU, l’école est donc l’alliée objective de la famille dans le mécanisme de la reproduction sociale.

II- L’analyse de R. BOUDON

Elle s’oppose à l’analyse de BOURDIEU et à « la machinerie de l’habitus ». C’est une méthode en termes de stratégie qui s’inscrit dans une logique de l’acteur : selon BOUDON, les individus sont rationnels et effectuent des choix de carrière tenant compte de leur origine sociale. Leur trajectoire scolaire est déterminée par eux en fonction des avantages et des coûts économiques et sociaux attendus de leur poursuite d’études. En effet des études courtes permettent aux enfants des classes populaires d’atteindre une situation avantageuse pour eux et supérieure à celle de leur parents sans que le coût soit excessif, tandis que dans les classes supérieures l’investissement personnel et scolaire doit être plus important pour, seulement, se maintenir dans la même classe que leurs parents. C’est cette stratégie qui explique les parcours différents selon l’origine sociale des enfants, et non pas des différences de taux de réussite. BOUDON explique aussi que les enfants des classes populaires manquent d’ambition car ils sont soumis à des risques plus importants en cas d’échec. De plus, il n’est pas sûr qu’avec un diplôme plus élevé que leurs parents, ils aient une situation différente car d’une part les diplômes se dévalorisent et, d’autre part, ils disposent de moins de ressources en termes relationnels pour faire valoir ces diplômes (cf. le paradoxe d’ANDERSON).

Pour R. BOUDON l'origine sociale n'est donc pas le seul facteur explicatif de l'inégalité des chances face à la réussite scolaire: l'ambition et la stratégie des enfants sont aussi déterminants et en interaction avec le milieu social parental.

III- Prolongements contemporains

Les analyses récentes poursuivent la voie tracée par BOUDON en intégrant d'autres types de facteurs agissant en interaction avec l'origine sociale sur la destinée des enfants.

La démocratisation de l’école s’est faite grâce à une série de réformes qui ont permis de trouver une sortie honorable pour les enfants des classes défavorisées (cf. cours). La sélection s’effectue alors moins verticalement par arrêt à certains paliers (5°, 3°, 2°) et plus horizontalement par clivage entre les filières (enseignement général, technologique, professionnel). Au niveau de l’enseignement supérieur les grandes écoles sont la voie royale pour ceux qui veulent accéder aux plus hautes fonctions, alors que l’Université accueille tous les autres.

De récentes analyse comme celles de M. DURU-BELLAT, A. HENRIOT-VAN ZANTEN et A. MINGAT ont montré le rôle important du processus d’orientation dans la poursuite d’études des enfants. En particulier, selon ces auteurs il faut tenir compte des notes obtenues et de l’âge des enfants, mais aussi des demandes des familles et de l’offre scolaire pour comprendre que c’est un mécanisme complexe qui est le résultat d’un ensemble de phénomènes . A cela il faut aussi ajouter le niveau de la classe et « l’effet maître » qui influencent la réussite des enfants quelles que soient leur origine sociale.

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Mme SODAIGUI, professeur de Sciences Economiques et Sociales